Captain Tsubasa Fan Fiction ❯ I know her by heart ❯ Chapitre 11 ( Chapter 11 )

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Chapitre 11 - suki dakara*
 
 
 
 
I feel your hand in mine…
 
 
Warm and caressing
 
 
really does feel so right…
 
 
I would like to be able to reach out to you
 
 
so very much.
 
 
But I can't…
 
 
I just can't.
 
 
 
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Le programme de ce jour-là était une visite aux onsen*, et exceptionnellement pour cette occasion, l'ensemble des élèves avait été séparé en deux groupes : filles d'un côté, garçons de l'autre. Et pour éviter tout écueil, à la demande de plusieurs jeunes filles nous avions sélectionné deux établissements relativement éloignés l'un de l'autre plutôt qu'un seul, cette dernière solution étant toujours source d'ennuis divers dès lors qu'étaient impliqués de jeunes mâles aux hormones déchaînées.
 
Je ne l'avais donc pas vu de la journée… pas qu'on eût passé beaucoup de temps ensemble à proprement parler, de toutes façons, durant les quelques jours qu'avaient duré ce voyage scolaire.
 
Je n'avais pu l'apercevoir que de loin, au cours de ces quelques jours passés loin de chez nous. Et à l'observer ainsi à la dérobée, je n'avais absolument pas l'impression d'être sa petite amie… je me faisais plutôt l'effet pitoyable d'une groupie frustrée, entichée en secret d'une idole inaccessible.
 
Mais il n'y avait rien à faire. En dépit d'un sentiment de découragement qui me tourmentait parfois jusqu'à m'en faire mal, je restais fascinée par lui comme au premier jour.
Quoi que je fasse, il m'était impossible de me soustraire à cette contemplation lointaine et silencieuse.
 
Si sur le terrain, son inépuisable charisme était le moteur qui donnait à ses joueurs l'envie de se défoncer pour lui, leur dévotion pour leur capitaine sortait clairement des limites du club de foot. Même ici, il était perpétuellement entouré d'une nuée d'élèves - tous d'ailleurs n'étaient pas des membres du club de foot du lycée - et étrangement, je n'en concevais aucune aigreur, tout comme je ne nourrissais point de jalousie à l'adresse de tous ces gens.
 
Je les comprenais.
Pire encore, j'étais leur semblable. Ils étaient sans doute irrémédiablement attirés vers lui, séduits par cette sorte d'autorité que l'habitude de diriger lui avait donnée et qui se dégageait de lui naturellement, et probablement aussi par sa physionomie avenante, par ce visage souriant, toujours empreint d'une assurance tranquille, tellement rassurante qu'on avait envie d'être près de lui, simplement. J'étais comme eux.
 
A force de travail, j'avais réussi à me faire une place dans notre lycée, socialement parlant, et j'étais fière de ce que j'avais accompli. Je siégeais au Conseil des Elèves, et mes bons résultats scolaires avaient fait de moi une élève en vue, à qui les profs prodiguaient déjà conseils et soutien en vue de la préparation aux examens d'entrée des plus grandes facs du pays, l'année prochaine.
Pourtant, dans des moments comme ceux-ci, j'avais l'impression d'être revenue à ces années de collège tourmentées, où je n'étais rien du tout. A ces longs mois durant lesquels, intimidée, éperdue, je n'avais d'yeux que pour lui, et rien d'autre que lui. Comme un papillon de nuit insignifiant, au coloris ingrat, ignoré de tous à force de banalité, dévoré par ce désir immense de pouvoir, ne serait-ce qu'un tout petit peu, approcher la lumière. Et la lumière, c'était lui.
 
C'est un fait… jamais prénom ne fut mieux porté que le tien, mon amour.
 
Tous ces journées où je me levais avant l'aube, juste pour avoir une chance de l'apercevoir seul à l'entraînement, sur le vieux terrain miteux du collège de Furano. Il y avait dans son regard, lorsqu'il s'entraînait ainsi, quelque chose de dur et de téméraire qui me subjuguait littéralement.
Mon cœur, qui battait à tout rompre dans ma poitrine quand il s'interrompait pour se saisir d'une serviette à côté de moi, et que, le souffle court de s'être dépensé si fort dans l'air glacial du matin, il me disait gaiement : "tu es bien matinale aujourd'hui, Fujisawa !" en me gratifiant de son sourire généreux, tellement charmeur, et pourtant pétri d'une indifférence non calculée qui me brisait le cœur. Une arme redoutable que ce sourire, Matsuyama-kun… et dire que tu n'en n'avais absolument pas conscience.
"C'est normal", répondais-je toujours, feignant un calme olympien purement imaginaire, mais l'esprit à l'envers. "je suis la manager de l'équipe, après tout !".
Et jamais je n'avais le temps de me repaître de la chaleur que me procurait sa présence près de moi. Déjà, il était reparti vers le terrain, retrouver son ballon.
 
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, on forme un couple, lui et moi, à présent.
 
Et pourtant, rien n'a changé depuis ce temps là. Je n'ai toujours d'yeux que pour lui. Et lui, pour le football.
 
Ainsi, j'avais le cœur serré.
Je restai assise, seule ombre triste au milieu des jeunes filles batifolant dans l'eau brûlante de la source thermale en plaisantant à qui mieux mieux.
"Au bout de tout ce temps, je suis encore malheureuse comme les pierres lorsqu'il n'est pas dans mon champ de vision. Plus pathétique, tu meurs...", me disais-je tristement, en pliant et repliant ma petite serviette de bain.
 
Machiko me regarda sévèrement et entreprit de me morigéner comme elle seule savait le faire, en commençant par tirer sur mes joues pour me distraire de ma mélancolie.
 
"Yoshikoooo ! *elle poussa un soupir las* Aaah, je ne sais plus quoi faire. T'es complètement irrécupérable. Penser à lui tout le temps comme ça ! (et, avec un soupçon d'agressivité qui me sembla curieux, elle ajouta) Dis-toi que lui, il doit certainement se payer du bon temps avec Oda et les autres aux sources chaudes de l'autre côté de la ville. Peut-être même qu'il y a des filles là où ils sont, et si ça se trouve ils profitent de la vue, ces sales types. Alors toi aussi, profite de ce bon temps qu'on passe ici !!"
En prononçant ces paroles, elle même avait trituré ma serviette, qui ne ressemblait plus à rien. Tandis que je considérais ma meilleure amie, un soupçon d'interrogation dans le regard, celle-ci plia ma petite serviette en un rectangle minuscule qu'elle posa sur ma tête d'un geste rageur et détourna les yeux.
 
Je ne répondis rien. L'idée qu'il puisse épier des filles ne suscita aucune émotion en moi, je le connaissais suffisamment pour savoir que ce n'était pas spécialement son genre.
En revanche, Machiko avait raison sur un point, et je ne le savais que trop bien. Le garçon dont j'étais tombée amoureuse étant ce qu'il est, j'étais bien consciente de ne quasiment jamais être au centre de ses préoccupations, c'était un fait, et je n'avais pas d'autre choix que de l'accepter. Il n'y aurait jamais guère de place pour moi dans sa vie en dehors des quelques moments qu'il voulait bien qu'on partage ensemble. Et en tout cas, jamais au détriment de son sport favori ni de ses compagnons de jeu.
 
Mais… aujourd'hui était quand même censé être un jour particulier pour nous. C'était ce soir que la petite croisière pour permettre aux élèves d'admirer les feux d'artifice d'été depuis le lac était prévue. Et lui et moi, nous n'y participerions pas. Nous verrions notre propre feu d'artifice, enfin je crois...
Est-ce qu'il y pensait ? Etait-il anxieux ? Est-ce qu'il pensait à moi, même un tout petit peu ?
 
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Comparée à la fraîcheur des étés de Hokkaido, la moiteur ambiante de Kyoto en juillet nous parut presque tropicale, et quand arriva le soir, en revenant des onsen, la plupart d'entre nous préférâmes nous vêtir d'un yukata* pour nous rendre au hanabi*. Je pris la précaution de revêtir le mien à l'écart des regards indiscrets de mes compagnes de chambre. Me voir prendre soin de ne pas trop nouer mon obi trop serré aurait immanquablement attiré les soupçons de ces commères aux yeux de lynx, cela ne faisait aucun doute.
 
Je n'avais pas vraiment eu le temps, au cours de cette journée, de me triturer l'esprit au ce sujet de ce qui se profilait le soir venu. Mes pensées furent sans cesse occupées par la crainte qu'au moment de l'embarquement, un (ou une) élève ne prenne soudain la parole pour demander où était Matsuyama et que tout le monde remarque qu'il n'était pas là du tout.
Je n'avais guère de crainte qu'on ne pose de question à mon sujet, ni même que l'on remarque mon absence. Lui par contre était si populaire auprès des autres élèves que le risque était élevé.
Il y aurait toujours bien une fille pour remarquer son absence sur le quai, me disais-je avec un sourire doux-amer.
 
Mais Furano était un grand lycée, qui comptait plus de 7 classes de deuxième année. Ce qui signifiait que nous étions près de 300 élèves à participer à ce voyage scolaire.
Au moment d'embarquer, je vis défiler devant moi une foule incroyablement compacte d'élèves, et je soupirai d'aise. L'important était que nos noms figurent sur le formulaire de présence. Ensuite, dans cet immense bateau, personne ne s'étonnerait de ne pas nous voir, ces petites soirées permettant en général aux jeunes couples de s'isoler un peu, pour contempler les feux d'artifice à leur aise.
 
Nous soustraire à la croisière sur le lac fut donc absurdement facile, bien qu'un peu long. Je fis l'appel, annotai mon nom et le sien sur le registre, aidai consciencieusement à l'embarquement de tout le monde, glissai un petit mot à Machiko pour ne pas qu'elle me cherche en vain et ne s'inquiète à mon sujet (elle devait avoir l'esprit absorbé par quelque chose d'autre, car elle ne releva même pas).
Quand je fus assurée que tout avait été correctement fait, je m'évanouis savamment dans la foule des gens restés sur place, jusqu'à un petit banc de bois légèrement en retrait du quai, sur lequel je pris place jusqu'à ce que le bateau lève l'ancre.
 
J'éprouvai une certaine mélancolie à voir ce bateau s'éloigner, et je m'aperçus que j'avais du mal à m'arracher à cette contemplation silencieuse.
Bêtement, il me sembla que comme lui, c'était tout une partie de ce qui avait été moi qui était sur le point de s'éloigner. Cette part d'innocence en moi à laquelle… peut-être, je tenais encore un tout petit peu.
Après ce soir, je ne serais peut-être plus jamais vraiment la même… Qu'est-ce qui allait changer en moi après ça ? Qu'est-ce qui allait changer pour nous ?
 
Je finis par réaliser que j'étais entrain de céder à la nervosité, alors que jusqu'à présent j'avais fait de mon mieux pour occulter ces pensées de mon esprit.
 
Dans la moiteur de cette nuit d'été, je me mis soudain à courir vers lui, aussi vite que mes zôri de bois laqué me le permettaient.
 
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En montant la route qui menait vers l'enceinte de notre ryokan*, je remarquai que l'ambiance dans ce quartier était à la fête. Il y avait une sorte de petit attroupement au sommet de la colline, une chanteuse, un piano, des gens autour. L'atmosphère était bizarrement occidentale, assez loin de ce qu'on s'attendrait à trouver dans une cité historique comme Kyoto. Cette interprète avait une voix très suave, presque caressante. Elle était vraisemblablement américaine, ou britannique, en tout cas occidentale et anglophone. Lorsque je l'aperçus, elle me fit penser à ces jeunes artistes, la plupart du temps très talentueuses, qui se produisaient en fin d'après-midi dans les coffee houses où, lorsque je vivais à New York, mes amis et moi nous donnions rendez-vous l'après midi après les cours, et que nous écoutions en buvant nos cafés généreusement allongés de lait.
 
Quand tu étais encore une petite fille.
 
Parmi les passants attroupés, je vis d'ailleurs peu de japonais. Les personnes qui se contentaient d'assister aux feux d'artifice de ce soir sur la berge et non sur un bateau avaient bien droit à ce petit supplément, j'imagine.
Je ralentis mes pas jusqu'à presque m'arrêter, et en retrait de tout le monde, je prêtai l'oreille aux paroles de sa chanson.
 
 
For you there'll be no crying
For you the sun will be shining
Cause I feel that when I'm with you
It's alright, I know it's right

And the songbirds keep singing
Like they know the score
And I love you, I love you, I love you
Like never before

To you, I would give the world
To you, I'd never be cold
Cause I feel that when I'm with you
It's alright, I know it's right

And the songbirds keep singing
Like they know the score
And I love you, I love you, I love you
Like never before

Like never before,
 
Like never before.*
 
J'eus l'impression qu'à travers elle, c'était lui qui s'adressait à moi.
 
Mes yeux se voilèrent, j'esquissai enfin un petit sourire, le premier de cette longue journée.
 
Finalement, il semblerait que je ne sois pas plus douée que lui pour discerner les évidences qui se trouvent juste sous mes yeux…
 
Je tournai les talons et pris la direction du ryokan.
 
 
 
Attends-moi.
 
 
 
 
 
 
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Notes de l'auteur :
 
 
Well, well… sais pas pourquoi, mais je trouve le moment bien choisi pour faire une petite pause. XD
La suite au prochain chapitre, donc !
 
1) Parce que je t'aime.
 
2) onsen : c'est le nom que l'on donne aux sources thermales au Japon. Dans ces lieux, on peut faire trempette (tout nu et avec des inconnus, mais ça fait partie du charme !) dans de jolis bassins en prenant le temps d'oublier un peu le stress quotidien. Le décor est toujours très soigné (bois, roche naturelle, et très jolie vue bien souvent) et l'eau, qui provient de sources volcaniques, est naturellement chaude et possède parfois des vertus médicinales. Souvent, ces établissements proposent l'hébergement aussi. Certains proposent en outre des sources chaudes de plein air (rotenburo) très agréables.
 
3) yukata : vêtement de coton similaire au kimono, mais beaucoup plus simple, et moins onéreux. On le porte traditionnellement l'été (et aussi dans les onsen, mais là c'est une sorte différente de yukata, fait d'un tissu plus fin et moins habillé). En raison de sa légèreté, il rend plus faciles à supporter les températures étouffantes et l'horrible moiteur des étés japonais.
Pour nous les filles, les yukata sont en général de couleurs vives et bariolés de motifs, du moins pour le plus jeunes d'entre nous. Les femmes plus matures les portent généralement dans des tons unis et plus soutenus (bleu marine, etc). Avec un yukata, en général on porte des zôri ou des geta (sandales de bois laqué qui ressemblent un peu à des tongs, mais bien plus jolies et travaillées), des tabi (chaussettes en coton épais blanc, dans lesquelles le pouce est séparé des autres orteils, pour pouvoir chausser les zôri malgré leur lanière), un adorable petit pochon qu'on appelle kinchaku-kago, et de jolis ornements dans les cheveux (kanzashi).
Le yukata est certes plus facile à mettre qu'un kimono traditionnel, mais ça reste loin d'être une partie de plaisir ! On passe d'abord un sous vêtement qu'on appelle hadajuban, puis le yukata à proprement parler, on passe le côté gauche par-dessus le côté droit (oui car l'inverse, c'est seulement pour les morts), et - c'est là que ça se corse - on l'attache avec une ceinture que l'on appelle obi.
Ceux des garçons sont toujours sobres, et eux les portent avec des geta (sandales de bois à lanière).
 
4) hanabi : feux d'artifice (littéralement : fleur de feu). Il y a énormément de feux d'artifice l'été au Japon, et ceux-ci durent très longtemps (ils brûlent parfois pendant deux heures !). On se retrouve souvent dans de petits festivals locaux pour y assister, souvent données au sanctuaire shinto de la localité. Tout autour, on trouve des tas de stands de jeux, et de nourriture (yakisoba, ikayaki, etc).
 
5) ryokan : type d'auberge japonaise aux prestations traditionnelles (il y a des tatami au sol des chambres, on y dort dans des futons moelleux et délicieusement confortables, il y a des fusuma pour séparer les chambres, des portes glissantes, etc). Ce n'est pas le cas à Tokyo, mais en "province" ces auberges sont largement moins chères qu'un hôtel de type occidental, ce qui explique que bien souvent les élèves en voyage scolaire soient logés dans ce type d'établissements.
 
6) Eva Cassidy, Songbird.