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Chapitre 6: Non !

Une fois chez elle, l’ex-assassin, excédée, claqua violement la porte. Par Zeran, que lui prenait-il ?! Pourquoi capitulait-elle devant lui alors qu’elle ne s’était jamais rendue à personne ?! Ca n’avait aucun sens !

C’est alors qu’une petite voix dans le fin fond de son esprit, lui souffla une réponse… qui ne lui plut pas du tout. C’était parfaitement stupide ! Et totalement ridicule ! Elle ne pouvait pas être assez bête pour tomber dans le piège une seconde fois !

- Non ! s’écria-t-elle en se saisissant d’un gobelet resté sur la table, pour le fracasser au sol.

Pas calmée le moins du monde par ce geste, l’elfe traversa la pièce, piétinant les fragments de verre qui crissèrent sous ses pas. Sous le coup d’une agitation tout à fait inhabituelle, la jeune femme gagna donc la fenêtre et s’adossa à son embrasure, la mâchoire contractée d’une colère difficilement contenue.

- Pourquoi ? hurla-t-elle encore dans le silence de sa demeure.

Visiblement, la dernière fois ne lui avait pas servi de leçon puisqu’elle refaisait la même erreur. Les sentiments étaient un piège. Un piège dangereux dans lequel elle s’était pourtant juré de ne plus jamais tomber.

- Idiote ! Idiote ! Idiote ! s’insulta-t-elle à voix haute.

Comment cela avait-il pu arriver ? Comment avait-elle pu laisser ça arriver ? Vingt-quatre heures ! Ils se connaissaient, se côtoyaient depuis à peine vingt-quatre heures et avaient pratiquement passé leur temps à affronter leurs volontés respectives ! C’était du délire !

Faible. Tu es faible, crut-elle entendre dire la détestable voix de Praven.

- Je ne suis pas faible ! s’écria-t-elle encore en appuyant sur les deux derniers mots.

Mais malgré ses dénégations, le mot outrageant résonnait en écho dans sa tête, sous-tendu par cette règle du Code des assassins qu’elle n’avait enfreinte qu’une fois « s’attacher c’est être faible, être faible c’est mourir ».

Désemparée pour la première fois depuis des années, Tyra s’assit dans le large encadrement de la fenêtre. Elle ramena ses jambes contre elle, avant de poser la tête sur ses bras au sommet de ses genoux, ses immenses cheveux la couvrant presque totalement.

Elle n’était plus assassin, mais le Code avait régi sa vie pendant si longtemps… Il avait été sa bouée de sauvetage après le naufrage de sa relation avec Jilano. Cesser de s’y conformer lui paraissait très difficile. Une belle ironie quand on savait qu’il avait été édicté quarante-cinq ans plus tôt par Ectelius Malorne, l’un des hommes qu’elle haïssait le plus au monde. Elle ne croyait pas aux coups de foudre. Elle n’y avait jamais cru, n’y voyant que des fariboles, des illusions de nuages roses pour petites oies blanches sans personnalité… Alors, par Zeran, que devait-elle faire ? Comment se sortir de cette situation abracadabrante, de ce guêpier dans lequel son maudit cœur l’avait fourrée ?

Dis-lui la vérité, conseilla alors une insidieuse petite voix dans son cœur. Tu te sentiras mieux ensuite.

L’elfe releva brusquement la tête, comme pour fixer un interlocuteur inexistant, puis la secoua farouchement. Jamais ! Il ne saurait rien ! Plutôt mourir !

Elle marmonna quelque chose dans sa langue maternelle, à mi chemin entre les imprécations à l'encontre de son coeur encore bien trop sensible à son goût malgré tout ce qu'elle avait traversé et celles envers Adanën, cause bien involontaire de ce chamboulement interne.

L'ex-assassin se leva, l'abattement cédant le pas, sur ses traits sans défaut, à un air décidé bien plus dans sa nature. Rabattant la capuche de sa cape, sur sa tête, elle se dirigea vers la porte d'un pas rapide et l'ouvrit, puis sortit dans la nuit d'un noir d'encre auréolée de myriades d'étoiles scintillantes comme des gemmes. Refermant derrière elle, l'elfe leva le nez comme pour humer l'air. L'automne n'avait pas encore ôté de l'Empire son manteau roux et fauve, pourtant, derrière, Tyra sentait poindre le linceul glacé de l'hiver à venir. Sous peu, la population de Sayanë se réveillerait les pieds dans une neige immaculé et craquante, que ne tarderaient pas à souiller des milliers de pieds, de sabots, de roues de chariots.

Sur ces considérations presque poétiques, elle s'en fut, ses pas a portant vers une taverne. En entrant dans la salle, toujours bruyante malgré l'heure tardive, son odorat sensible fut assailli par des relents empestant la sueur et la crasse. Sur le point de s'en retourner, la jeune femme se ravisa. Etant donné ce qu'elle était venue faire, qu'elle soit ici ou ailleurs ne changeait pas grand chose. Une fois qu'elle serait ivre morte, ses sens se trouveraient suffisamment embrouillés pour que rien ne revête plus la moindre importance. D'un pas alerte, elle se dirigea vers le comptoir sale et commanda au tavernier couturé d'horribles cicatrices, deux bouteilles d'alcool de rayazen. Lorsque, en paiement, l'ex-assassin posa royalement deux zalen devant l'humain, celui-ci arbora un air avide si extatique qu'elle fut saisie de l'intuition qu'en soulevant son cache-oeil, elle en découvrirait un tout à fait valide. Mais cela ne représentait aucun intérêt et elle se détourna en emportant ses deux bouteilles, laissant le tavernier se saisir e l'argent.

Une fois assise dans le recoin le plus sombre, elle observa les récipients posés devant elle. Deux... Oui, étant donné qu'elle tenait parfaitement l'alcool, il lui faudrait au moins ça avant d'être avinée au point d'oublier temporairement cette histoire de fous. Tyra ricana en pensant que le lendemain matin, le Marchombre ne la trouverait pas chez elle ; en imaginant le grand et digne Adanën Saltaro obligé d'arpenter à sa recherche toutes les tavernes mal famées de la ville.

Et c'est exactement ce qui se produisit au matin lorsque, constatant l'absence de sa compatriote à son domicile comme à la tour du vieux Zandar, Saltaro se rendit compte que, s'il voulait la retrouver, il n'aurait que ce moyen. Il passa au peigne fin chaque taverne, chaque endroit mal fréquenté où il savait que la jeune femme aimait se rendre.

Sur le chemin, il fut arrêté par une bande d'anti-elfes, qui prétendait « lui apprendre que Sayanë étaiit terre d'humains et non d'aberrations à oreilles pointues ». Sans se départir de sa sérénité coutumière, le Marchombre les mit hors d'état de nuire, ce qui ne lui prit pas plus de cinq minutes et n'occasionna à ses agresseurs que des blessures bénignes. Il rejoignit ensuite la dernière taverne de sa tournée et ne tarda pas à apercevoir sa compatriote, littéralement affalée sur une table sale et manifestement endormie. En s'approchant, il remarqua deux bouteilles couchées devant elle. Un soupir lui échappa. Que lui était-il passé par la tête ? Quel besoin avait-elle eu de s'enivrer de la sorte ? Retenant une nouvelle expiration bruyante, il se tourna vers le tavernier.

- Pourquoi ne l'avez-vous pas réveillée ? demanda-t-il.

L'homme haussa les épaules.

- Si vous croyez qu'j'ai qu'ça à faire...

- Vous ne mettez jamais les gens dehors pour fermer l'établissement ?

La question sembla amuser l'humain qui éclata d'un gros rire

- Zeran nan ! fit-il ensuite. Si j'faisais ça, les habitués viendraient plus et j'pourrais définitiv'ment fermer la boutique.

Adanën leva les yeux au ciel et s'approcha davantage de sa protégée, qu'il secoua un peu. Mais il est de notoriété publique que le sommeil d'un ivrogne est lourd. Très lourd. Il se résolut donc à la secouer bien plus fortement.

- Tyra ! l'appela-t-il.

Au bout de ce qui sembla une éternité, l'elfe ouvrit des yeux qui, s'ils possédaient toujours leur troublante nuance bleu glacier, étaient aussi injectés de sang.

- Adanën ? le reconnut-elle du fond de son esprit embrumé.

La jeune femme utilisait son prénom pour la première fois sans l'invectiver, mais le Marchombre ne s'y arrêta pas. Elle était encore plus pâle qu'à l'ordinaire et empestait l'alcool à plein nez.

- Oui. Allez viens, quittons cet endroit, fit-il en l'aidant à se lever, avant de passer le bras de sa compatriote autour de ses propres épaules et le sien autour de sa taille fine.

L'ex-assassin n'émit pas la moindre protestation. En fit, elle se laissa faire sans manifester la plus petite réaction. Tyra haïssait tant la faiblesse sous toutes ses formes, qu'il était surpris qu'elle le laisse la voir dans cet état lamentable. Elle devait vraiment aller mal. Mais pourquoi ? Qu'avait-il bien pu se produire entre la veille et ce jour, pour transformer en une telle loque l'être fier et indomptable qui n'hésitait pas à lui dire ses quatre vérités ? Il l'ignorait mais ce devait être assez grave.

Tout en réfléchissant, il l'avait conduite à l'extérieur et se dirigeait à présent vers sa propre demeure, plus proche que la bicoque qu'habitait la jeune femme. Il lui faudrait d'ailleurs plusieurs heures avant d'être dégrisée totalement et elle en serait quitte pour un bon mal de tête.

- Adanën ? l'interpela-t-elle pour la seconde fois en cinq minutes.

- Hum ?

- je t'aime.

La déclaration soudaine manqua faire perdre à l'elfe sa sérénité coutumière. Il ouvrit la bouche comme pour répondre, puis la referma.

- Mais oui, mais oui, fit enfin, du ton qu'on prend pour calmer un enfant, le Marchombre qui n'en croyait pas un mot.

Une fois chez lui, il l'allongea sur le lit et lui ôta ses bottes, avant de poser une couverture bien chaude sur elle. Il s'éloigna ensuite pour la laisser dormir. C'était la seule chose dont elle avait véritablement besoin. Il serait toujours temps de demander de explications quand elle irait mieux.

Lorsque Tyra se réveilla de longues heures plus tard, ce fut avec la sensation qu'une horde de seijas se battaient furieusement dans son crâne et celle, bien plus confuse, d'avoir fait quelque chose de particulièrement stupide. Mais impossible de savoir quoi. La jeune femme tenta de se redresser... pour abandonner lorsque la pièce se mit à tanguer plus fort qu'un navire pris par la houle. De plus, elle qui n'était jamais malade se sentait nauséeuse, ce qui s'avérait extrêmement désagréable. D'accord, elle avait compris quelle limite ne pas dépasser niveau alcool. Leçon apprise.

Soudain, quelque chose l'interpela. Plusieurs en fait : le décor inconnu, le lit qui n'était pas le sien... D'accord... elle était don bourrée au point de ne pas se rappeler avoir couché avec... Avec qui d'ailleurs ?

Elle n'eût pas le temps de s'interroger davantage car le léger bruit qu'elle fit en remuant alerta Adanën. A son entrée, un seul mot vint à l'esprit de la jeune femme : NON !

- Bonjour Tyra. Comment te sens-tu ? questionna l'elfe en veillant à ne pas parler trop fort.

- Est-ce qu'on a... demanda alors l'ex-assassin qui, d'ordinaire parfaitement sans-gêne, bizarrement, se sentait gênée au plus haut point par cette idée.

Connaissant les habitudes de sa compatriote, il ne fallut que quelques secondes à Saltaro pour comprendre de quoi parlait cette dernière.

- Non, rassures-toi, répondit-il calmement.

Un vif soulagement se peignit sur les traits de l'elfe.

- Comment te sens-tu ? interrogea-t-il à nouveau.

- J'ai connu mieux, rétorqua la jeune femme en grimaçant.

- Je m'en doute. C'est pourquoi je t'ai préparé quelque chose.

Sur ces mots, il la quitta quelques instants et revint avec un gobelet qu'il lui tendit. Elle considéra avec méfiance le liquide d'une couleur indéfinissable qui l'emplissait.

- C'est une potion pour ta gueule de bois, indiqua obligeamment le Marchombre. Bois-la et tu te sentira rapidement mieux.

Sans plus hésiter, Tyra l'avala d'un trait et se rallongea, la pièce continuant à valser dangereusement.

Le Marchombre prit place au bout du lit puis, après un instant de silence, demanda :

- Quelle idée de t’enivrer ainsi… Que t’a-t-il pris de faire une chose pareille ?

Cette question ramena l’elfe à ses cogitations de la veille et elle se renfrogna.

- Rien, bougonna-t-elle.

- S’est-il passé quelque chose de grave après ton départ ? questionna-t-il encore gentiment.

- Je t’ai dis que non ! explosa alors l’ex-assassin. Alors, par Zeran, fiche-moi la paix avec ta foutue sollicitude !

Faible. Elle était devant lui dans un état de faiblesse contre lequel elle ne pouvait rien et l’en tenait pour unique responsable… même s’il ignorait tout.

Saltaro ne répondit pas.