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AC 206

par Erynna

Onzième partie

- MAAAAAHHH !!! JE VEUX ALLER AU P'TIT COIN !! braillait Ling en remplissant l'habitacle d'ultrasons.
- Faut que tu t'arrêtes, monsieur, conseilla Mei. Sinon ta voiture, elle va avoir de gros problèmes !
- Hn, acquiesça Odin, les mains vainement plaquées sur les oreilles.
Le garçon tentait de se concentrer sur les formes blanches et moutonneuses des nuages défilant dans le ciel bleu, et de les associer avec les formes d'objets ou de personnes connues. C'était son jeu préféré lorsqu'il faisait de longs voyages. Cela lui permettait de tromper son ennui et surtout d'oublier qu'il avait le mal des transports. Avion, navette spatiale, voiture, bateau lui donnaient l'impression qu'il allait vomir son quatre-heures. D'une certaine manière, c'était une bonne chose qu'il n'eût pas trop déjeuné, ce matin-là… Ah, les nuages ! Il venait tout juste de deviner la limousine jadis rose, aujourd'hui violette, de maman, ainsi que le masque bizarre et ridicule que portait tonton Milliardo sur l'une des rares photos que maman avait gardées de son frère. Tonton Milliardo était parti faire un safari sur la colonie L53 après s'être disputé avec sa meilleure amie Lucrezia Noin et depuis, plus personne n'avait eu de ses nouvelles. Odin était né bien après sa disparition, trois ans plus tard pour être exact. Il regrettait un peu de ne pas l'avoir connu ; d'après Mei et Ling, avoir un tonton était très amusant. Surtout si ce tonton était Duo Maxwell.
Les vagissements mécontents de Ling le ramenèrent à la réalité. Cette petite avait de sacrés poumons…
- OOOUUUIIINNN !!!
- Okay, okay, je m'arrête ! Man, pas la peine de rameuter tous les clebs du quartier, soupira Purdy, négligeant le fait qu'ils roulaient sur une autoroute.
La voiture obliqua vers une aire de repos sans cette fois générer d'accident. Seulement plusieurs coups de klaxons et quelques crissements de pneus. Elle se gara sur le parking qui faisait face à la cafétéria et Purdy emmena la petite Ling, toujours fort contrariée, vers les toilettes publiques.
Mei s'approcha de la portière, fermée à clef, et colla son visage contre la vitre.
- J'ai faim… se lamenta-t-elle en fixant désespérément les gens attablés à l'ombre des parasols.
Peu auparavant, les trois enfants avaient gratté le fond de leurs poches et trouvé quelques pastilles à l'orange pour Ling, vite avalées, un chewing-gum datant au bas mot du siècle dernier pour Mei, et un morceau de pain sec qu'Odin avait gardé pour les cygnes des jardins de l'ambassade. Pas de quoi nourrir hélas trois petits ogres affamés et en pleine croissance. A présent, il était près de deux heures de l'après-midi et Odin devait avouer que son estomac criait famine.
- Mon doudou Totoro pour un cornet de frites… souffla Mei en contemplant un gamin mordre joyeusement dans son hamburger.
Un éclat d'intérêt brilla soudain dans les yeux d'Odin.
- Tu aimes Totoro ? demanda-t-il en se tournant vers Mei.
- Oooh oui ! dit-elle avec un grand sourire. Il est cool !
Mei semblait avoir adopté avec une inquiétante rapidité la façon de parler de son oncle Duo.
Pendant ce temps, Purdy avait réussi à traîner Ling jusqu'aux toilettes en un seul morceau et sans trop s'attirer de cris de protestation. Il poussa la gamine dans une pièce inoccupée, ferma la porte et lâcha un immense soupir de soulagement…
- AAAAAAHHHH !!!! hurla Ling depuis les cabinets.
Après s'être tapé la tête contre un mur pendant une bonne minute et demie, Purdy rassembla ce qui lui restait de patience et de courage et alla voir ce qui ennuyait tant la gamine.
- Y'a pas de siège ! s'écria Ling en pointant un doigt accusateur vers l'objet en question.
Des toilettes à la turque.

* * *

- Wu-man, tu viens de dépasser la sortie, annonça Duo, l'oreille collée contre son téléphone portable. C'était bien la n° 33 ?
- Exact, confirma Lady Une à l'autre bout du fil. Maxwell, ne me dites pas que cet énergumène l'a ratée ?
- Huh uh… Là tu vois, Wu ? Sortie n° 34 à cinq kilomètres, dit-il en désignant un panneau au-dessus de l'autoroute. Qu'est-ce que ça donne si on prend celle-là ?
Heero scrutait avec son intensité habituelle la carte routière dépliée sur ses genoux.
- Trop long. Il faudrait emprunter le périphérique pour rejoindre la nationale et à cette heure-ci, on ne pourrait pas éviter les embouteillages.
- Alors que fait-on ? demanda Duo, à court d'idées. Des suggestions ? Tro-man ? Q…
L'Américain stoppa net lorsqu'il vit la position dans laquelle se tenaient ses amis.
- Quatre Raberba Winner Barton, pouvez-vous me dire ce que fait votre main dans le pantalon de Trowa ?!?
- Je n'ai pas la main dans son pantalon ! protesta Quatre, incapable malgré tout de réprimer l'intéressante nuance de rouge qui colorait son visage. Et à propos… c'est Barton-Winner.
- Oh, vous vous êtes mis d'accord sur les noms ?
- Oui ! Et on se disait qu'on allait peut-être faire une nouvelle cérémonie, vu qu'on… ne se souvient pas de la première.
- C'est génial ! Je suis invité… ?
- Bien sûr, Duo ! Vous l'êtes tous…
- ÇA SUFFIT ! s'écria Wufei en appuyant sur la pédale de frein de toutes ses forces.
Tout alla très vite. Abasourdie, Lady Une entendit successivement le crissement des pneus sur l'asphalte, le hurlement terrifié de Quatre, le Notre Père récité par Duo et un concert de klaxons en arrière-fond.
- Maxwell ? Que se passe-t-il ? s'enquit-elle une fois que la voiture eut semblé redémarrer.
- Ohmondieuohmondieuohmondieu…
- Maxwell, reprenez votre calme et expliquez-moi la situation !
- Ohmondieuohmondieuohmondieu… continuait l'Américain, en état de choc.
Serrant toujours son blond compagnon contre lui, Trowa ôta le téléphone des mains de Duo et porta l'appareil à son oreille.
- … Allô ?
- Qui… commença la Preventer.
- …
- Barton ? appela-t-elle en reconnaissant les silences éloquents de l'ex-pilote de HeavyArms.
- …
- Qu'est-il arrivé ?
- Wufei vient de faire demi-tour sur l'autoroute…
- QUOI ?!
- … pour reprendre la sortie n° 33.
Lady Une, sentant venir la migraine, se massa les tempes sous les regards inquisiteurs de Relena, Sally et Lucrezia. Elle avait dû user de toute sa diplomatie pour convaincre la police d'abandonner les poursuites contre Quatre et Trowa. En cet instant précis, la jeune femme remerciait le ciel de n'avoir aucun des cinq hommes sous ses ordres.
- Où en est l'émetteur d'Odin ? demanda-t-elle d'une voix fatiguée.
- Aucun mouvement pendant environ quinze minutes, ensuite direction sud-ouest par la nationale 47, répondit Noin, les yeux rivés sur l'écran de contrôle.
- Ils vont vers le sud-ouest, dit Lady Une en s'adressant à Trowa.
- …
Passionnante conversation ! songea-t-elle avec ironie. Même si elle n'en attendait pas moins du laconique acrobate, elle ne pouvait s'empêcher de presque regretter le bavardage enthousiaste de Duo Maxwell. Presque.

* * *

Peter Roddenberry, plus connu sous le pseudonyme de "Purdy" et désigné comme l'ennemi public numéro un du Sank Kingdom, s'extirpa de la vieille Ford volée dans le parking de l'ambassade au nez et à la barbe des vigiles et jura pour la centième fois de la journée de ne jamais, jamais, jamais avoir d'enfant. Tant pis si son père le déshéritait et si sa mère refusait de lui cuisiner à nouveau ses délicieuses croustades aux pommes !
Le mercenaire contempla d'un œil morne les trois petits monstres braillards et agités sensés être ses otages. Le plan initial ne prévoyait que l'enlèvement du gamin. Cependant, Purdy avait cru bon d'emmener avec lui les jumelles en guise de cerise sur le gâteau… qui sait, sa paye en aurait peut-être été triplée ?
Désormais, il en doutait sérieusement. En fait, il n'était même pas certain de survivre à l'enfer qu'était devenue cette mission. Les fillettes étaient de vrais démons ! Imaginez deux êtres si semblables qu'il avait l'impression de loucher chaque fois qu'il posait les yeux sur elles, et avec cela jamais contentes ! Toujours en train de trouver à redire sur le moindre sujet…
- J'ai faim !
- J'ai mal au ventre !
- Elle pue ta voiture, monsieur !
- Je veux mon papa !
- Et où elle est ma glace, monsieur ? T'as promis !
- On a faim !!!
Purdy plaignait sincèrement leurs parents.
Et le gamin… le gamin ! Il pouvait sentir ses immenses yeux bleus fixer sa nuque lorsqu'il conduisait. Un regard perçant, intense, presque méchant et qui vous donnait la chair de poule. Il était pratiquement sûr que le petit Peacecraft essayait de lire dans son esprit pour découvrir ses secrets les plus noirs… Un peu comme ces types à la télévision qui faisaient des tours de magie et devinaient les noms, prénoms et dates de naissance des spectateurs en parlant avec un faux accent étranger.
Pour le moment, il avait réussi à calmer ses soi-disant innocentes victimes avec des parts de pizza. Ses pensées allèrent immédiatement vers le jeune Américain qui lui avait servi d'appât. Voilà un homme qui savait apprécier les bonnes choses de la vie, à savoir les pizzas, Freddy Krüger et les rediffusions du Jerry Springer Show ! Dommage que D-man fût du mauvais côté de la barrière…
Purdy retint sa respiration et ouvrit la portière.
- Allez les Razmokets, tout l'monde descend, lâcha-t-il sans grande conviction.
- Razmokets ? s'offusqua Mei en sautant de la voiture. Mais t'as trouvé ça où, monsieur ?
- C'est vieux ! Faut allumer ta télé plus souvent, monsieur ! ajouta Ling d'un ton dégoûté avant de sortir à son tour.
- Maintenant c'est Gundamon !
- Attrapez-les tous ! chantèrent en chœur les jumelles.
- Je crois que j'aurais pas dû manger dans la voiture… murmura le petit Odin en trébuchant par terre.
Purdy sut que la catastrophe était inévitable dès l'instant où il aperçut le teint verdâtre du garçon.
- Oooh, ça va pas bien… balbutia Odin.
- Pas sur mes chaussures, gamin ! Pas sur mes chauss…
Trop tard.

La logeuse qui tenait l'immeuble où se trouvait sa planque abandonna un instant son tricot pour lui jeter un regard de mauvais augure.
- C'est à vous la marmaille ? demanda-t-elle en l'observant par-dessus ses aiguilles.
- Euh… ouais ? hésita Purdy en tentant de faire taire les turbulentes fillettes.
- Hmph. Pas de bruit, hein, avertit la vieille femme avant de retourner à son ouvrage.
Purdy retint un sourire et s'engagea dans l'étroit escalier, entraînant les trois petits à sa suite.
Cela avait parfois du bon de ressembler au dernier des idiots ! Les gens ne se méfiaient jamais de lui. Sans doute refusaient-ils de croire qu'un loser tel que lui avait n'était-ce qu'une bonne raison de se lever le matin. S'ils savaient que Purdy était le genre de type à braquer l'épicerie du coin… Bon d'accord, et de tomber en panne juste devant le commissariat de police cinq minutes après.
Personne n'est parfait, songea-t-il en poussant la porte branlante de l'appartement.
- Ça pue ! cria Ling en entrant dans la pièce. Je veux pas rester ici !
- Pour l'amour du ciel, change de disque ! s'exclama Purdy en cherchant à tâtons l'interrupteur.
Il se l'était bien dit : cette mission était pire que l'enfer…

* * *

Jusqu'à présent, tout s'était déroulé selon le plan prévu, mis à part quelques petits dérapages sans réelle importance. Wufei conduisait son véhicule comme s'il était sur un circuit de course, Duo plaçait deux ou trois plaisanteries entre les ordres que lui dictait Lady Une par téléphone, Trowa et Quatre se pelotaient sur la banquette arrière comme s'il ne devait jamais y avoir de lendemain et lui, Heero Yuy, examinait la carte d'un air pensif, se demandant quel imbécile congénital l'avait dessinée.
Les brusques toussotements du moteur lui firent hausser les sourcils. La voiture ralentit ostensiblement, râla, hoqueta, ralentit encore, soupira puis s'arrêta complètement et rendit l'âme.
Le silence qui suivit fut terrifiant.
- Hn, remarqua Heero.
- Euh… hésita Duo.
- … haleta Trowa.
- Oooh oui ! s'écria Quatre, mais peut-être pas à cause de la voiture…
- Je n'arrive pas à le croire, conclut Wufei en posant son front sur le volant.
Le Japonais se pencha et jeta un coup d'œil à la jauge du réservoir d'essence. Vide.
- Plus d'essence, laissa-t-il tomber.
- Eeeeh !!! C'est pas vrai, Fei ! Me dis pas que tu viens de nous faire le coup de la panne !
- Il y a peut-être une station tout près, suggéra Quatre d'une voix étouffée, la tête toujours enfouie dans la chemise de Trowa.
- Hn.
- Ça, ce n'est pas un hn positif, je me trompe ? Où sommes-nous exactement ?
- A environ soixante-huit kilomètres de la cible.
- Et la prochaine ville se trouve… tenta Duo en laissant errer son regard sur les champs à perte de vue.
- A environ soixante-huit kilomètres.
- Ce qui ne nous laisse pas le choix, dit Wufei. Vous allez devoir descendre et pousser.
- Pendant soixante-dix kilomètres ?! protesta le Shinigami, épouvanté.
- Soixante-huit, rectifia distraitement Heero.
- Il est absolument hors de question que je pousse ton tacot pendant soixante-dix kilomètres ! déclara Duo d'un ton ferme.
- Tout comme il est hors de question que j'abandonne ma voiture en pleine campagne ! riposta Wufei. Je n'ai pas fini de payer le crédit et avec ce que va me coûter mon divorce…
- Je ne pousserai pas ton tas de ferraille.
- Oh que si, tu vas pousser !
- Aucune chance !
- On perd du temps, crut bon de rappeler Heero.
Son intervention eut le don de ramener le calme parmi ses coéquipiers. Cette fois, Wufei fut aisément convaincu de laisser l'Espace sur le bord de la route, et l'ex-pilote de Shenlong se retrouva au milieu de ses compagnons en train de faire de l'auto-stop. A l'exception notable du couple Barton-Winner, guéri à tout jamais de ce genre de pratique.

* * *

Il était une fois, dans un lointain pays appelé Sank Kingdom, un petit garçon du nom d'Odin. Il avait à peine cinq ans, sa silhouette pas plus haute que trois pommes lui donnait une allure de lutin, ses cheveux châtain où se perdaient quelques fils d'or paraissaient n'avoir jamais connu de peigne et ses yeux brillants de mille nuances céruléennes semblaient deux morceaux arrachés au ciel. Ajoutez à cela un adorable nez retroussé, des joues légèrement rebondies et une bouche carrément boudeuse, et vous aurez une petite idée de l'apparence du garçonnet.
Odin menait une vie très heureuse auprès de sa mère et Jeffrey ; un peu moins heureuse avec tante Dorothy, qui ne cessait de râler pour un rien et regardait tout le monde en fronçant ses gros sourcils. Maman étant une personne très occupée, Odin se retrouvait souvent livré à lui-même et avait développé un certain goût pour la solitude. Maman se faisait du souci à ce sujet ; elle disait qu'il n'était pas bon pour un garçon de son âge de rester seul. Mais l'ambassade, où Odin passait le plus clair de ses journées en attendant d'être assez grand pour aller à l'école, n'était pas vraiment un endroit grouillant d'enfants.
Quand il faisait beau, Odin jouait dans les jardins sous la surveillance des gardes. Observer l'évolution des nuages traversant l'azur sous la poussée des vents, prendre soin de son élevage de fourmis, construire un champ d'éoliennes au milieu des plates-bandes de dahlias, bâtir une cabane dans le vieux tilleul aux branches noueuses… Odin trouvait toujours des occupations très intéressantes. Et lorsque le temps ne lui permettait pas de rester dehors, il adaptait ses activités à l'intérieur des bâtiments. Son sujet d'expérience préféré était sans conteste Froufrou, le chat de tante Dorothy. Une sale bête âgée de dix-sept ans, à moitié sourde et aveugle, au caractère vicieux et soupe au lait, au pelage quasi inexistant et qu'on était obligé de nourrir à l'aide d'une seringue depuis qu'elle était incapable d'avaler rien de solide. Au vu de tout ce qu'avait traversé Froufrou durant sa très longue existence, on pouvait dire qu'elle méritait largement ses neuf vies.
Et si parfois Odin en avait assez de jouer tout seul, il y avait toujours Jeffrey, qui l'emmenait voir Totoro au cinéma (Odin refusait catégoriquement de regarder un autre film que celui de son héros favori) ou bien lui montrait comment se servir d'un ordinateur.
L'heure du coucher, en revanche, était ce moment si précieux qui n'appartenait qu'à sa mère et lui. Maman veillait à ce qu'il se lavât bien les dents, puis elle passait un coup de brosse dans sa chevelure en bataille et l'aidait à revêtir son pyjama. Odin se glissait alors entre les draps frais, calait sa tête contre l'oreiller de plume et attendait que maman prît place à côté de lui. S'ensuivait l'éternelle petite bataille au sujet de la couverture que maman voulait lui remonter jusqu'au cou mais qu'Odin repoussait en marmonnant qu'elle lui tenait trop chaud. La lampe de chevet posée près du lit prodiguait une lumière tamisée, chaleureuse et dorée, qui conférait à la chambre une atmosphère magique… idéale pour les contes que maman se mettait à lui raconter. Odin fermait peu à peu les paupières, bercé par le roulement des mots et le rythme des phrases. Et les murs de la pièce s'effaçaient, laissant place à un monde peuplé de fées, d'îles et de forêts enchantées, de princes-chats, de chevaux de bois, de grenouilles ensorcelées, de lampes merveilleuses, de chevaliers courageux et de bergères malicieuses…
Odin poussa un profond soupir. Roulé en boule dans un fauteuil dont les ressorts jaillissaient par endroits, il se demandait s'il retrouverait un jour les bras réconfortants de sa mère et les murs bienveillants de l'ambassade. La nuit allait bientôt tomber ; des fenêtres débordait un bleu sombre et céleste, piqué de la faible lueur des étoiles. Maman viendrait-elle jamais le chercher ? Et pourquoi le drôle de type les avait-il emmenés si loin ? Ce n'était certes pas pour le plaisir d'une promenade !
Non, il ne pleurerait pas. Les grands garçons comme lui ne pleuraient jamais. Il se contenterait de bouder.
Les jumelles étaient littéralement collées devant l'antique poste de télévision. Après une extraordinaire performance de cris agrémentés de coups de pieds et de morsures, Mei et Ling avaient obtenu le droit de regarder leurs dessins animés tandis que Purdy, à bout de nerfs, sanglotait dans un coin.
Sa peur s'estompant peu à peu face à son immense fatigue, Odin s'enveloppa plus étroitement dans son paletot et s'abandonna aux bras de Morphée.

Ce fut le fracas d'une porte qu'on enfonçait qui l'arracha à son sommeil sans rêve. Odin s'étira paresseusement, encore peu conscient de ce qui se passait autour de lui, se frotta les paupières de ses poings minuscules et ouvrit un œil avec précaution. Il ne vit d'abord que l'ampoule suspendue au plafond qui se balançait en tous sens, jetant des envolées d'ombres et de lumières sur les murs nus et fissurés. Puis lui parvinrent les remerciements confus et hystériques de Purdy, heureux d'être enfin délivré des petits monstres en culottes courtes et oublieux du fait qu'il finirait probablement ses jours en prison…
- Papa ! s'écrièrent Mei et Ling d'une seule voix.
Leur père se pencha et tendit les bras en les voyant trottiner dans sa direction.
- Tonton Duo !! hurlèrent-elles en apercevant l'Américain qui venait d'apparaître à son tour, et elles se jetèrent sur lui.
- Tonton Duo ? gronda Wufei en se redressant, plein de menace.
- Hé hé, les gosses… se moqua gentiment Duo en serrant contre lui les petites filles, ravies.
Odin s'assit lentement, étonné du joyeux vacarme qui résonnait autour de lui. Purdy venait d'être facilement maîtrisé par Trowa et Quatre, Wufei sermonnait Duo à propos d'une vague histoire de "tonton" et les jumelles contemplaient les deux hommes avec une adoration sans fin. Une boule de fourrure apparut soudain sous ses yeux et vint lui chatouiller le nez.
Son sac à dos Totoro.
Bouche bée, Odin avança la main et caressa timidement la peluche. Lorsqu'il leva la tête, il rencontra un étrange regard bleu cobalt…
- Daijoubu desu ka ? demanda l'homme dans une langue qu'il ne connaissait pas.
Odin fronça le nez. Heero, c'était son nom… Et soudain, tout devint clair. Comme une voix qui lui soufflait ses répliques sans employer aucun mot, une musique sans parole qui s'harmonisait parfaitement au secret murmure de l'univers.
- H… Hai, dit-il d'un ton solennel.
Les yeux bleu cobalt se plissèrent comme Heero s'autorisait un petit sourire satisfait. Le Japonais l'aida à descendre du fauteuil, ajusta le sac sur le dos de l'enfant et, serrant sa main dans la sienne, rejoignit le reste du groupe dans la nuit étoilée.

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