Gundam Wing Fan Fiction ❯ Prince de mes rêves ❯ Chapter 4

[ T - Teen: Not suitable for readers under 13 ]

Prince de mes rêves

par Erynna

4. Celui qui subissait la vengeance du Dragon (2e partie)

La brise marine balayait d'embruns et de sel la promenade qui longeait la plage. Le soleil du matin était encore froid, aiguisant de sa lumière naissante les contours de la rue et des maisons alentours. Très peu de voitures venaient perturber la course des cyclistes et des joggeurs. Seul le bruissement presque musical des flots emplissait le silence doré enveloppant le quartier...
- Petites foulées, Wufei, petites foulées ! hurla soudain Duo à l'autre bout de la promenade. Et contrôle ta respiration !
- Je... te... déteste... balbutia Wufei en trébuchant à chaque pas.
S'avouant finalement vaincu, le jeune Chinois s'effondra par terre, une main tremblante désespérément accrochée au garde-fou. Non seulement Duo l'avait tiré du lit à six heures un dimanche matin, mais il l'avait obligé à courir cinq kilomètres à un train d'enfer en répétant "Petites foulées, petites foulées !" d'un ton moqueur. Comble de l'horreur : avec le bandeau fluo retenant ses cheveux ainsi que le sweat-shirt et le pantalon ridiculement trop grands, il avait l'air d'un rescapé des séances de gym de Véronique et Davina.
Duo se rapprocha de lui, un air faussement concerné sur le visage.
- Tu ressembles à une méduse liquéfiée, Fei, dit-il en trottinant sur place pour ne pas perdre le rythme.
- Je te déteste, répéta Wufei.
Il leva la tête et Duo, sans doute impressionné par la lueur de meurtre qui brillait dans son regard, jugea préférable de reculer de quelques pas.
- Tout est une question d'habitude, prononça Duo d'un ton sentencieux. Si tu fréquentais un peu plus les salles de sport et un peu moins les cocktails mondains, tu ne trouverais pas si dure une course de cinq malheureux kilomètres...
- Je te déteste.
- Regarde-toi. Aussi dynamique qu'une marmotte en pleine période d'hibernation !
- Je te déteste ! s'écria Wufei, à bout de nerfs, et il se jeta sur Duo.
Ils étaient en train de se rouler sur le trottoir avec un certain enthousiasme, la colère de Wufei compensant son manque d'entraînement, lorsqu'une grande ombre obscurcit le ciel au-dessus de leurs têtes.
- Aaaargh... eeerk... aidez-moi... nom de Dieu... il... est en train... de... m'étrangler ! articula Duo en reconnaissant son inénarrable garde du corps.
Ce dernier semblait à deux doigts d'exploser de rire.
- C'est bien parce que vous me payez, monsieur Maxwell, dit-il entre deux gloussements. Et parce qu'une très jolie jeune femme nous attend à la maison... Allez monsieur Chang, la récréation est terminée.
Ce disant, l'homme se pencha vers ce qu'on aurait pu prendre pour un couple enlacé et souleva à bras le corps le plus petit des deux.
- Lâchez-moi, imbécile ! hurla Wufei en se débattant comme un diable.
- Merci... Saeba, marmonna Duo en se relevant. Oh, une toute petite chose : la très jolie jeune femme n'attend que moi, c'est compris ?
- Bien sûr, monsieur Maxwell. Vous me connaissez ! répliqua Ryo Saeba [1] avec un clin d'œil avant de desserrer sa prise sur Wufei.
Ce dernier retomba sur ses fesses en gémissant de douleur.
- Je vous déteste !!
Ils parcoururent le reste du trajet au pas, marquant régulièrement des pauses le temps que Wufei, qui avait du mal à retrouver son souffle, les rejoignît.
Il n'allait pas bien.
Et pas seulement du point de vue physique.
La semaine précédente s'était écoulée comme un rêve éveillé. Son roman était devenu le fil qui le retenait en ce triste monde, un but qui occupait ses jours comme ses nuits. En cet état de transe presque rituelle qui était le sien lorsqu'il écrivait, c'était à peine si la pensée de Treize l'avait effleuré plus de quelques minutes. Mais à présent que le livre était achevé, la souffrance, le chagrin, le désespoir revenaient en force se heurter aux fragiles remparts de son cœur.
Il l'avait trahi.
L'homme qui avait été le premier et unique amour de sa vie avait bafoué sa confiance et ses sentiments, le mettant face à sa propre faiblesse.
Car d'une certaine manière, Wufei se dégoûtait de constater à quel point il avait besoin de Treize. Sans lui, il se sentait si seul, si perdu, si effrayé, si... frêle.
Il s'arrêta et, s'accoudant au garde-fou, ferma les yeux.
L'océan se moquait bien des vagues à l'âme, lui qui se gonflait comme l'étrange pelage d'une grosse bête endormie, immense et sans âge...
- Fei ?
Il sentit le bras de Duo s'enrouler autour de ses épaules, et dans ce simple geste tout le soutien et l'amitié que l'Américain lui offrait, sans jamais rien attendre en retour.
- Que vais-je devenir ? demanda doucement Wufei, plus pour lui-même que pour son ami. J'ai l'impression de n'avoir commencé à exister que le jour où je l'ai rencontré. Je n'ai jamais vécu sans lui...
- Je sais que c'est dur, Fei. Mais tu n'es pas seul. Hilde et moi sommes à tes côtés... nous le serons toujours, quoi qu'il arrive.
- Merci. Je... je vous fais confiance.
Duo conforta son étreinte, sachant combien les mots coûtaient au jeune écrivain.
- Donne-toi du temps, Wufei, murmura-t-il. Ce genre de blessure finit toujours par s'estomper, sinon guérir. L'oubli peut être parfois un remède merveilleux. Tu as juste besoin d'un peu de temps. Un jour viendra où tu pourras aimer à nouveau.
Le petit cri étranglé que laissa échapper Wufei lui fit froncer les sourcils.
- Fei, ça va ?
- ...
- Fei ?
- Duo, je ne t'ai pas tout dit.
- Oui ? encouragea le jeune homme à la natte, de plus en plus intrigué.
- Il y a quelque chose... que je dois t'avouer et... c'est pas facile...
Le Chinois déglutit péniblement et, ouvrant enfin les yeux, fixa l'écume des vagues s'écrasant sur la plage en contrebas.
- Après avoir quitté Treize, je t'ai appelé...
- Je sais. Et puis ?
- Je t'ai dit plus tard que j'avais passé la nuit à réfléchir, sur la plage...
- Ce qui n'était pas très prudent, si tu veux mon avis.
- En fait, je suis allé dans ce club...
- Un club ? l'interrompit Duo, étonné.
Wufei était plus du genre à courir les soirées chics et les dîners mondains qu'à danser dans des boîtes, aussi branchées fussent-elles.
- Et... j'ai pas mal bu...
- Tu as bu ?!
Pourquoi Duo avait-il la désagréable impression d'entrer dans la Quatrième Dimension ?
- Oui j'ai bu, et alors ? râla Wufei avant d'adoucir le ton. Quoi qu'il en soit, j'étais terriblement confus et en colère. Beaucoup de détails m'échappent encore et plus j'y repense, moins je comprends ce qui m'a pris... Bref, il y avait cet homme... il m'a enlacé lorsque je dansais et... et je crois... non en fait je suis sûr... que j'ai passé la nuit chez lui.
- ...
- Duo ?
- ...
- Duo, venant de moi, cette requête va te paraître étrange mais... s'il te plaît, dis quelque chose, supplia-t-il avec un rire nerveux.
- Oh. Mon. Dieu.
- Hum, c'est un début.
- Tu. As. Couché. Avec. Un. Inconnu, continua Duo d'une voix blanche, ses yeux mauves rivés sur la ligne d'horizon avec une fixité effrayante.

* * *

Finalement, son aveu avait fait moins de dégâts qu'il ne l'avait d'abord pensé, se dit Wufei en entrant dans la cuisine.
Hilde, qui était en train de presser des oranges, leva vers lui un drôle de regard avant de retourner à sa tâche.
- Est-ce que Duo va mieux ? demanda-t-il en prenant place autour de la table.
- Il s'en remettra.
Elle versa le jus obtenu dans un grand verre, s'essuya les mains sur son tablier puis s'assit en face de lui.
- Duo a l'habitude d'encaisser les chocs, mais là... je dois dire que tu y es allé un peu fort, déclara-t-elle après avoir pris une longue gorgée.
- Ce n'est pas ma faute...
Hilde haussa un sourcil.
- D'accord, peut-être un peu. Mais ce que j'ai fait... je n'étais pas dans mon état normal !
- J'espère quand même que tu te rends compte à quel c'était stupide et dangereux.
Stupide...
Et dangereux.
Lui, ce jeune homme aux yeux plus sombres que l'océan grondant derrière les fenêtres ?
Pas possible, songea-t-il, un sourire aux lèvres.
Heero...
Les fantômes de leurs caresses d'une nuit coururent le long de son échine. Tendres et puissantes à la fois. Chaque effleurement plus intense qu'une brûlure. Baisers, morsures... presque sauvages. Tour à tour cruel supplice et divine extase. Une bataille. Une lutte, oui, mais d'égal à égal. Même si au bout du compte, il s'était avoué vaincu et avait cédé devant la force et l'obstination de son partenaire. Si volontiers...
Rien à voir avec Treize. Face à ce dernier, pas de bataille, pas de lutte. Seule la domination immuable et absolue de son amant - ex-amant, se corrigea-t-il. Ils étaient si différents. Se pouvait-il que ce fût le même acte...
Il se sentit soudain agrippé par les épaules et secoué comme un prunier.
- ... babe... Wu-babe !!
- Huh ? fit-il en clignant des yeux.
Hilde retomba sur son siège en poussant un soupir.
- Tu étais parti qui sait où, Wu-babe. Je vérifiais juste que tu n'étais pas trop loin.
- Très amusant.
- N'est-ce pas ? Bon, tu te souviens de notre petite conversation d'hier ? dit-elle d'un ton soudain malicieux.
Wufei lui lança un regard perdu.
- La vengeance, Wu ! s'écria-t-elle, exaspérée.
- Pourquoi ferais-je une chose qui m'attirera forcément des ennuis, vu que c'est toi qui en as eu l'idée ?
- Parce que ça te fera un bien fou de te défouler, crois-moi ! Tu as besoin d'extérioriser tout ça. Sans compter qu'on ne peut pas laisser cette ordure s'en sortir comme ça.
- Je suis d'accord, mais...
- Tu dois laver ton honneur, Wu-babe ! éclata Hilde, triomphante. Et pas seulement le tien d'ailleurs, mais celui de toutes les femmes qui ont été victimes de salauds tels que lui !!
- J'ai beau être touché par ta sollicitude, je trouve cependant que tu prends mon histoire un peu trop à cœur. Et puis je ne suis pas une onna, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, dit Wufei en grinçant des dents.
- Bien sûr que non, Wu-babe, répliqua-t-elle en lui adressant une œillade.
- Très bien, dis-moi ce que tu as en tête.
- Avant tout, il faut que tu saches que l'idée n'est pas seulement de moi, mais aussi de Duo.
- Ça commence bien, marmonna-t-il en plissant les paupières.
- Hum... et n'oublie pas non plus que nous te soutenons.
- Tu t'enfonces, Hilde. Qu'est-ce que vous avez encore manigancé ?
La jeune femme fit un grand sourire.
- Une dernière chose, et non la moindre : je suis innocente comme l'enfant qui vient de naître !
Elle se pencha alors vers lui et révéla le plan établi avec l'aide de Duo, s'émerveillant de la couleur toujours plus rouge du visage de Wufei à mesure que les mots coulaient de sa bouche.
- QUOI ? MAIS VOUS ÊTES COMPLÈTEMENT CINGLÉS !!! hurla Wufei une fois qu'elle eut terminé.

* * *

- Vous êtes cinglés, répéta Wufei à voix basse pour la centième fois ce soir-là. Vous êtes cinglés et je vais mourir.
- Ne dis pas de bêtises, Fei, le rassura Duo. Hilde et moi assurons tes arrières. Et s'il y a le moindre problème, Saeba, qui attend dans la voiture, viendra nous récupérer.
L'Américain appuya ses dires en levant les pouces puis ajusta son bonnet. Hilde et lui portaient des vêtements noirs assortis des mêmes gants et couvre-chefs, se fondant parfaitement dans l'obscurité. Wufei, quant à lui, les trouvaient complètement ridicules.
- Je vais mourir, souffla-t-il.
- Fais-nous confiance ! chuchota Hilde en souriant.
Elle leva les yeux vers la masse sombre et écrasante de la façade. Seules les portes-fenêtres situées au premier étage laissaient échapper de la lumière.
- Le bureau de Treize, annonça Duo dans un murmure. Fei, tu as bien compris ce que tu dois faire ? Tu grimpes jusqu'au balcon, tu ouvres la porte, tu entres dans la pièce et tu lui fais sa fête.
Seul un gémissement étouffé lui répondit.
Le milieu de la nuit avait quelque chose d'inquiétant, entre les ombres qui ne cessaient de vaciller autour de lui, semblant vouloir le saisir de leurs doigts crochus pour l'attirer vers des lieux encore plus terrifiants, et les sourires maniaques, presque grimaçants dans le clair-obscur, qui ornaient les visages de ses amis.
La maison que Treize et lui avaient partagée pendant tant d'années ne lui paraissait plus aussi familière et rassurante, tout à coup.
Il retint de justesse un nouveau gémissement et serra contre lui le fourreau de cuir qui contenait son sabre.
Un stupide présent de la part de son fan-club et qui, d'une minute à l'autre, allait signer sa perte... il était maudit !
Duo lui présenta soudain ses mains en coupe.
- C'est le moment, dit l'Américain. Grimpe.
- Quoi ?!
- Sssh ! Moins fort, Wu-babe ! Imagine qu'il sorte et nous repère, avertit Hilde, tout serait fichu !
- Si j'en sors vivant, je vous tue ! grommela Wufei avant de poser son pied au creux des mains de Duo.
S'appuyant comme il pouvait sur une épaule de son camarade, il prit un peu d'élan et tendit sa main libre vers les branches s'entrelaçant dans un treillage.
- Ouch ! s'exclama-t-il en retirant vivement sa main. Saletés de foutus rosiers !!
- Fei par pitié, dépêche-toi ! murmura Duo. Je ne vais pas tenir longtemps...
- Ose me lâcher et je...
- Je n'y peux rien si tu as un gros popotin... Aïe ! Non mais ça va pas de tirer sur ma tresse !!
Wufei, après avoir escaladé tant bien que mal le corps de son ami et récolté nombre d'écorchures en s'accrochant aux branchages épineux, atteignit enfin les arabesques de fer forgé de la balustrade. Au prix d'un violent et dernier effort, il passa par-dessus et s'écroula de l'autre côté dans un bruit sourd.
Une vague de peur l'assaillit.
Se pouvait-il que Treize... ?
Avec le plus de discrétion possible, il se recroquevilla contre le mur et jeta un coup d'œil à travers la fenêtre.
Le bureau était vide.
Wufei poussa un léger soupir. Autant en profiter pour se glisser à l'intérieur sans être vu. Il se mit debout et tourna doucement la poignée de la porte...
Fermée à clef.
- C'est pas vrai ! marmonna-t-il en commençant à la secouer.
- Wu-babe, moins fort ! On t'entend à des kilomètres à la ronde ! fit Hilde, mécontente.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Duo.
- La porte... fermée...
- J'arrive.
Et, d'une souple détente qui rappelait étrangement la dernière scène de son film Opération Météore, Duo s'élança à l'assaut du balcon. Il s'agrippa aisément aux barreaux de fer puis se hissa à la seule force de ses bras jusqu'au sommet.
- Co... Comment as-tu fait ? balbutia Wufei, stupéfait, tandis que le jeune homme se juchait à califourchon sur la balustrade.
- Fei, je sauve le monde au moins une fois par film, alors je peux bien escalader un balcon si l'envie m'en prend ! expliqua Duo avec une pointe d'agacement.
Il atterrit gracieusement aux côtés de son ami et s'approcha de la porte-fenêtre.
- Voyons voir... réfléchit-il tout haut.
Portant la main à ses cheveux, il glissa ses doigts entre les mèches de sa tresse et en sortit un petit crochet qu'il introduisit aussitôt dans la serrure.
Un petit clic victorieux, et la porte céda.
- Après vous, monsieur Chang, annonça Duo en faisant une courbette.
- Je ne veux pas savoir, dit Wufei d'une voix étouffée. Je ne veux pas savoir !
Il eut juste le temps de voir le sourire de Duo étinceler avant que celui-ci ne saute par-dessus le balcon, disparaissant dans la nuit profonde.
A présent, c'était à lui de jouer.

[1] Flemme d'inventer un personnage.

<< | >>