Captain Tsubasa Fan Fiction ❯ I know her by heart ❯ Chapitre 8 ( Chapter 8 )

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Chapitre 8 - saikin ore wa, monosugoi omae ni aitai*
 
Au début du mois d'octobre, au moment où les premières neiges commencèrent à tomber sur la ville, j'entrepris enfin de réviser pour le concours d'entrée au lycée public de Furano, qui aurait lieu quelques mois plus tard.
 
Comme tout lycée dont le niveau d'études est fort élevé, le concours d'entrée du lycée de Furano était réputé très difficile. Cela représentait des journées entières de révisions, et à ce rythme-là, ma préparation à cet examen se ferait forcément au détriment de mon entraînement sportif. Mais je n'avais pas le choix, cette fois. Cet examen était sans doute l'un des plus importants qu'il me faudrait passer dans ma vie, et je ne comptais pas le négliger.
 
Au début, je rejoignais souvent Oda qui étudiait consciencieusement à la bibliothèque municipale. Mais la bibliothèque était pleine à craquer de petits couples d'amoureux qui révisaient ensemble, et, au comble de l'incrédulité devant ma propre niaiserie, je me rendis compte que leur vue avait des répercussions sur ma capacité à me concentrer.
 
Le nez dans mes cahiers, au lieu de me focaliser sur mes cours, je n'arrêtais pas de me dire que si Fujisawa avait été ici, si elle n'avait pas du partir aux Etats Unis, on serait ensemble, à présent. On se serait sans doute donné rendez-vous à la bibliothèque en milieu d'après-midi après les cours, comme tous ces gens, pour réviser ensemble. Je l'aurais regardée à la dérobée se concentrer sur ses problèmes de maths, elle aurait glissé distraitement une mèche de cheveux derrière son oreille, j'adorais ce petit geste qu'elle faisait souvent, sans s'en rendre compte, quand elle était absorbée dans quelque chose. Elle aurait eu conscience de mes yeux posés sur elle, ses joues auraient pris cette même teinte rosée que je leur ai vue par cette chaude après-midi de juillet où elle était partie, et bien sûr, je l'aurais trouvée adorable...
 
Grmbl.
Marre de la bibliothèque et des couples rabu-rabu. Je me suis claquemuré chez moi et me suis plongé dans mes bouquins de révision avec fièvre.
Durant mes sessions de révisions, comme dans chaque moment important de ma vie, nouer sur mon front le hachimaki qu'elle avait confectionné était devenu une sorte d'habitude. Plus qu'un porte-bonheur, c'était comme un lien entre elle et moi, le seul que cette foutue distance ne pourrait pas briser. Le symbole de Nous. C'était un peu comme si elle était près de moi.
 
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Un matin juste avant les vacances d'hiver, en partant en cours, je trouvai une petite carte d'elle dans ma boite aux lettres.
 
Matsuyama-kun !
 
J'espère que cette petite vue du Rockefeller Center te plait ? J'ai choisi cette carte spécialement pour toi en sortant de l'école tout à l'heure.
N'est-il pas joli, ce grand sapin ? C'est le plus grand du monde, tu sais ? Et tu as vu toutes ces illuminations ?
Ici, Noël est un enchantement. Il me semble être émerveillée en permanence. Mes amis se moquent de moi, parce qu'où qu'on aille, j'avance la bouche bée et les yeux écarquillés. Si tu pouvais voir 5th avenue, c'est magique ! On dirait que les boutiques de luxe rivalisent de goût pour les décorations. Tout est illuminé, on peut boire du vin chaud parfumé à la cannelle, manger des marrons chauds, il y a des décorations partout, des patinoires, des chorales de Noël dans la rue, des Père Noël partout, jusque dans le métro. Hahaha. Tu dois me trouver bien puérile. Mais c'est si joli !!
J'aurais aimé qu'on puisse voir de telles choses ensemble, ce noël. Ce sera pour une prochaine fois, hein ?
J'aurais bien aimé aller prier au temple pour la nouvelle année, aussi. Mais bien sûr, il n'y a pas de temple, ici... ce n'est pas vraiment grave, prier toute seule n'aurait pas été bien gai de toutes façons. Et puis, il y a tellement d'autres choses spectaculaires, ici.
Tu dois être en pleines révisions, alors, je ne vais pas te déranger plus longtemps… je te souhaite bonne chance, j'espère que tout se passera bien pour toi.
 
Yoshiko Fujisawa
 
Il y avait une sorte d'euphorie, dans ces quelques lignes, que je n'avais jamais encore remarquée dans ses autres lettres. Dans toutes celles que j'avais reçues jusqu'alors, je parvenais toujours plus ou moins bien à lire entre les lignes et à ressentir une certaine tristesse sous-jacente qui - très égoïstement, j'en conviens - me rassurait plus ou moins.
 
Cette fois-ci, j'eus l'impression qu'elle commençait à préférer New York à ce qu'elle avait toujours connu jusqu'ici. Que finalement, elle s'était fort bien faite à sa nouvelle vie. Que rester aux Etats Unis ne lui serait peut-être pas si désagréable que ça, en fin de compte.
Est-ce qu'il s'était passé quelque chose ?
Mes amis se moquent de moi…
"Mes amis" ?… Je ressentis la brûlure de la jalousie pure, un sentiment qui m'avait été complètement inconnu jusqu'alors, irradier jusqu'au plus profond de moi.
Tes amis, c'était nous, avant.
 
"Je suis injuste". Tout à ma frustration, je ne m'aperçus même pas que je maugréais tout seul sur le chemin de l'école.
Quel genre d'ami ai-je été pour elle, quand je n'ai jamais été capable de lui parler d'autre chose que de football ? Des amis comme ça, tu parles d'une plaie… Et puis, j'avais cru quoi ? Quitter Furano ne signifie pas vivre en ermite, surtout pas quand on part vivre dans un endroit comme New York. Elle est toujours gaie et sociable, normal qu'elle se soit fait de nouveaux amis. Sans doute voyait-elle tous les jours des copains de classe géniaux et super cool, qui la faisaient rire toute la journée, des mecs classe qui se montraient outrageusement familiers avec elle, avec qui elle m'oublierait, petit à petit…
 
"Bon alors, qu'est-ce qui t'arrive ?"
 
Cette voix acerbe et un peu bourrue, ce ton légèrement sarcastique… Pas de doute, c'est Machida. Je tournai la tête et la vis farfouillant dans son casier (qui se trouvait être à côté du mien).
 
"Moi ? Rien de spécial, pourquoi ?"
 
Elle sortit de son casier ses uwabaki, marquées du sceau bleu des élèves de troisième année*, puis entreprit d'ôter ses chaussures, le tout sans me regarder.
 
"Matsuyama-kun…. Pas la peine d'essayer de me la faire. On est dans la même classe depuis le début du collège, toi et moi. Alors crois-moi, avec le temps, j'ai appris à te connaître. Et puis, même sans ça, faut pas être un génie pour comprendre que cette tête de 10 kilomètres de long, c'est signe que ça va pas fort, va. Et en l'occurrence donc, en ce moment ça n'a pas l'air d'aller du tout."
 
Que faire ? Je vais passer pour un demeuré total si je lui dis ce qui me tarabuste. Elle va me charrier pendant des semaines, je la connais.
 
Oui mais… D'un autre côté, Fujisawa est sa meilleure amie, elle s'adorent toutes les deux... S'il y a du nouveau dans la vie de sa meilleure amie… Machida doit forcément être au courant, non ?
 
"Dis, au sujet de Fujisawa…", commençai-je, sur un ton évasif soigneusement étudié.
 
"Yoshiko ? Qu'est-ce qui se passe ?" elle me regarda, un pli soucieux barrant soudain son front.
 
Faisant mine d'être très absorbé par le positionnement, d'une précision quasi-chirurgicale, de mes chaussures dans mon casier, je pris l'air le plus détaché possible pour lui dire :
 
"Parfois… Parfois, tu ne te demandes pas si elle ne va pas finir par nous oublier ? Ne plus penser à nous ? Ne plus avoir envie de revenir ? Je veux dire, vivre à New York, c'est quand même assez énorme, elle doit s'être fait des tas de nouveaux amis, tout ça…"
 
Elle interrompit son rangement pour me dévisager d'un air mi-atterré, mi-rigolard.
 
Moi : "QUOI ?" *plop* (nda : oups, une petite veine d'énervement vient d'éclore !)
 
Elle : "Rien, enfin, disons que c'est inattendu... Est-ce que c'est là ta façon de me dire que Yoshiko te manque, Capitaine ? Alors c'est pour ça que tu es dans cet état-là ?"
 
Je refermai mon casier avec un soupir las, puis la regardai. A quoi bon lui mentir, cette fille n'avait définitivement rien à envier à une voyante extralucide.
 
"Evidemment, qu'elle me manque, Machida. C'est pas vraiment nouveau, elle me manque depuis le jour où elle est partie. Mais là n'est pas vraiment le problème, à vrai dire… En fait, je… euh… c'est plutôt qu'à la lecture de la dernière carte que j'ai reçue d'elle, j'ai pas l'impression que ce soit réciproque, ces derniers temps."
 
"Fufufu !!!"
Je l'entendis très distinctement pouffer, bien qu'elle ait pris le soin de dissimuler sa tête derrière la porte de son casier.
 
"Machida, c'est pas drôle." lui dis-je, avec toute la dignité dont j'étais capable malgré le rouge qui commençait à me monter aux joues.
 
Elle ferma son casier à son tour, avec un claquement sec, et se retourna vers moi.
 
"Eh bien, si vraiment ce n'est pas réciproque, alors c'est une bonne chose." me dit-elle tranquillement.
 
"…qu-quoi ?"
 
Elle me tança sévèrement.
 
"Matsuyama-kun. Pendant ces trois dernières années, Yoshiko t'a aimé comme il est difficilement imaginable d'aimer quelqu'un. Chaque minute, chaque seconde, elle l'a passée à t'adorer. Pendant ce temps-là, au lieu de faire cas de notre petite ravissante petite amoureuse, notre cher Capitaine, lui,  trouvait hautement préférable de passer le plus clair de son temps à taper dans un ballon, comme chacun le sait. Eh bien, ma foi, ça ne te fera pas de mal de savoir à ton tour quel effet ça fait, d'être superbement ignoré. Juste retour des choses, non, Capitaine ?"
 
Je ne sus que dire face à une telle invective, et me fendis d'un sourire aigre-doux, tentant à grand-peine de contenir mon exaspération.
 
"Laisse la prendre du bon temps et s'amuser loin de toi." soupira-t-elle en ramassant ses affaires. "Elle ne l'a pas volé."
 
Je promenai un regard consterné sur les casiers. Avant que je n'aie pu lui répondre quoi que ce soit, elle ajouta en gloussant :
 
"Et puis t'inquiètes pas va, si elle tombe amoureuse d'un beau new-yorkais, je suis sûre qu'elle nous préviendra !"
 
"Mouais, tu ne m'en voudras pas si je ne trouve pas cette perspective particulièrement enthousiasmante", fis-je en lui opposant un visage pour le moins hermétique.
 
Elle me décocha un regard relativement bienveillant, du genre de ceux que l'on réserve normalement aux faibles d'esprit. L'espace d'un instant, il me sembla voir briller dans ses yeux une lueur espiègle… puis elle s'éloigna.
 
Je décidai de me vider l'esprit allant m'entraîner de toutes mes forces après les cours, avec le reste de l'équipe de foot. Oda m'emboîta le pas, ravi. "Comme au bon vieux temps, Capitaine !". Je ne sais pas combien d'heures je suis resté ce soir-là sur ce terrain, courant à en perdre le souffle, driblant les joueurs les uns après les autres, tapant dans ce ballon à l'en faire exploser, jusqu'à sentir des élancements partout dans tout mon corps, jusqu'à ce que je sois trop anéanti par la fatigue pour avoir la force de penser.
 
Mais rien n'y fit. En sortant de la salle de bains ce soir-là, au comble de l'épuisement, le moindre muscle de mon corps tendu et douloureux, je me laissai choir sur une chaise face à mon bureau, déposai sa carte devant moi, et enfouis ma tête dans mes bras repliés.
 
Pour la première fois depuis son départ, je me sentis réellement désemparé.
 
Fujisawa… est-ce que je te manque  ?
 
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Vint enfin le jour de l'examen.
 
Je ne fus pas spécialement nerveux en enfilant mon uniforme ce matin-là. J'avais beaucoup travaillé pour préparer ce concours et j'étais tout à fait confiant.
Je l'aurais peut-être moins été si j'avais su ce que la journée me réservait…
 
J'avais filé rencard à Oda devant le centre d'examen après le concours, on irait sans doute bien prendre quelque chose de chaud chez Starbucks en sortant.
 
Quand je suis sorti de la salle d'examen, tout était blanc. Il avait neigé toute la matinée, il neigeait encore, et évidemment, Oda n'était pas là. Je ne sais pas comment il s'est débrouillé, mais il a fallu que je l'attende pendant une demi-heure dans un froid de gueux.
 
Quand il est enfin arrivé, tout fier de lui en me disant qu'il n'était pas certain d'avoir réussi, je l'aurais étranglé.
 
Mais soudain, précisément à ce moment-là, à la périphérie de ma vision, au milieu de toute cette neige, quelque chose attira mon regard… une forme chamarrée de rose pâle et de gris clair.
 
Alors je me suis tourné.
 
Et soudain, le temps s'arrêta.
 
 
 
 
…Fujisawa ?
 
 
 
 
 
(à suivre… !)
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Notes de l'auteur :
 
1) c'est incroyable ce que tu m'as manqué, ces derniers temps.
 
2) Dans la plupart des écoles japonaises (il y a bien sûr des exceptions), les élèves ne sont pas censés se balader avec leurs chaussures de dehors aux pieds. Le matin en arrivant, ils les laissent donc dans un casier (getabako) qui leur est personnel, à l'entrée, casier dans lequel se trouvent les uwabaki (sorte de petites tennis blanches très fines avec un élastique large pour les filles, parfois un scratch pour les garçons) qu'ils porteront à l'intérieur de l'école durant la journée.