Captain Tsubasa Fan Fiction ❯ I know her by heart ❯ Chapitre 9 ( Chapter 9 )

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Chapitre 9 - issho ni ukaru to ii ne… furano kôkou...*
 
 
 
Je dois rêver.
Oui c'est ça, c'est la seule explication, une-hallucination-les examens-le froid-le stress-oui-c'est-fréquent-ça-le-stress-des-étudiants-il-faut -que-je-m'assoie, il-
 
Mais, machinalement, mes jambes me portèrent vers elle, et je cessai alors définitivement de penser de manière rationnelle.
 
(jolie)
 
(jolie)
 
(jolie…)
Qu'elle est jolie... elle était aussi jolie, quand elle est partie ? Je ne me souviens pas, mais c'est bien possible je suis bien assez grave pour avoir été près de quelqu'un comme elle durant 3 longues années sans me rendre compte de rien-
 
J'entendis soudain sa voix, claire et douce, s'élever dans l'air glacé de ce matin d'hiver.
 
"Ca fait longtemps… Matsuyama-kun."
 
Dans ma stupeur, je sentis ma bouche se dessécher au point qu'il me fut impossible d'articuler le moindre son.
 
 
 
Elle était revenue. Fujisawa était revenue.
 
 
 
Six mois seulement s'étaient écoulés depuis la dernière fois que je l'avais vue, l'été dernier dans cet aéroport, mais elle avait indéniablement mûri. J'avais quitté une enfant ravissante, c'était une jeune fille très attirante qui se tenait debout devant moi à présent. Une jeune fille vêtue d'un manteau de laine gris clair et d'une écharpe d'un rose très pâle, à la silhouette plus élancée, aux cheveux plus longs, à la peau veloutée, une jeune fille aux yeux rieurs, qui était entrain de me toiser d'un air tout à fait détendu.
 
"Fujisawa… Mais…"
 
A ainsi la dévorer des yeux sans être capable d'articuler plus de deux mots à la suite, j'eus assez rapidement l'impression relativement nette d'être le mec le plus lourd du monde.
Mais je ne pouvais rien faire d'autre, le choc m'avait vraiment ôté toute éloquence.
 
"Tu ne t'y attendais pas, hein ?"
Elle esquissa une petite moue espiègle. Cette expression, sur son visage…. Sur l'instant, elle m'évoqua le récent souvenir de quelque chose, ou plutôt de quelqu'un.
 
Machida….
Que le diable t'emporte. Tu étais au courant, l'autre jour, j'en mettrais mes mains à couper. Tu savais déjà qu'elle allait revenir... Grmbl, si je pouvais t'étrangler tout de suite je le ferais tiens, je-
 
"Non…pas du tout, même… tu n'en disais rien dans la dernière carte que j'ai reçue de toi." murmurai-je à grand-peine.
 
"C'est que…ça s'est décidé un peu à la dernière minute... Mon père aura terminé sa mission aux Etats-Unis d'ici quelques semaines. Mes parents avaient donc décidé de rentrer, mais ils ont jugé préférable de me faire passer l'examen d'entrée du lycée, sans quoi je n'aurais eu aucune chance d'y être acceptée à la rentrée, alors… me voilà."
 
Six mois seulement… et j'avais déjà oublié combien le timbre si doux de sa voix pouvait m'émouvoir.
Arg, mais c'est pas vrai ! Est-ce que mon cœur ne pourrait pas s'arrêter de battre la chamade juste deux secondes, que je puisse reprendre mes esprits, redevenir celui que je suis d'habitude et - accessoirement - trouver quelque chose d'approprié à lui dire ?
 
Ses joues se colorèrent légèrement, et elle baissa la tête.
 
"Mais surtout, je ne voulais pas t'annoncer ça comme ça, et te causer du tracas inutilement juste avant les examens…".
 
Mais alors, cette carte, Fujisawa... Je comprends, à présent. Si tu semblais si gaie quand tu l'as écrite c'est parce que tu savais déjà que tu allais revenir... Tu savais que c'était peut-être la dernière fois que tu voyais New York… Tu étais sans doute heureuse d'imaginer que tes derniers jours passés la-bas l'aient été dans un aussi charmant décor. Et moi qui ai pensé que… Et moi qui ai cru que…
 
Comme je ne parlais toujours pas, littéralement perdu dans mes pensées tout en l'enveloppant d'un regard relativement médusé, elle ajouta, avec une timidité poignante :
 
"Je n'ai pas du tout préparé cet examen, alors sincèrement, je ne sais pas si ça va marcher, mais… ce serait sympa qu'on soit reçus ensemble au lycée de Furano, tu ne trouves pas ?"
 
J'ai réussi à balbutier un truc sans queue ni tête, je crois, du genre "oui, c'est vrai !", mais impossible de faire mieux que ça. Rien à faire, elle m'avait rendu muet de stupeur.
J'avais complètement oublié l'examen, Oda, le café qu'on devait aller prendre ensemble après l'exam. Je ne parvenais pas à détacher mes yeux des siens.
 
"Alors… euh, est-ce que.. tu retournes au collège, là ?" me dit-elle d'une petite voix hésitante.
Elle semblait ne pas savoir trop quoi dire. Avec le peu de mots que j'avais proférés au cours de cette captivante conversation, cela ne me parut pas spécialement étonnant.
 
D'un mouvement léger, empreint d'une grâce un peu distraite, elle glissa délicatement une mèche de cheveux derrière son oreille.
 
Ah… Définitivement, totalement elle, ce geste. Je l'adore.
 
Elle me lança un regard interrogatif.
 
"Hein… ah, non, il n'y a pas cours pour les troisième année aujourd'hui, à cause de l'examen de ce matin. D'ailleurs j'avais prévu avec Oda de… de… mais… ??? Où il est passé, lui ? Il était encore là il y a pas une minute !"
 
Elle pouffa d'un petit rire narquois. "Il est parti… je crois ?"
 
Arf, désolé pour Starbucks, Oda. Je te revaudrai ça.
 
A chaque fois que j'étais sur le point d'ouvrir la bouche pour lui parler, le surréaliste de la situation me foudroyait avec une violence qui m'ôtait toute maîtrise de moi.
 
Fujisawa. Fujisawa Yoshiko était là, juste devant moi.
Je restai sans voix, ahuri.
 
"Bon, il va falloir que j'y aille…" déclara-t-elle, une expression déroutée se peignant peu à peu sur ses traits.
 
"Mais où est-ce que tu... je veux dire, tu vas loger chez toi toute seule en attendant que tes parents…"
 
"Non, bien sûr que non, voyons", sa petite main, blanche et creusée de fossettes, vint se plaquer sur sa bouche tandis qu'elle gloussait comme une enfant. "Les parents de Machiko vont m'héberger jusqu'à leur retour. Je suis censée la rejoindre chez elle, là, d'ailleurs… Machiko a préparé l'examen à fond alors évidemment, elle a fini bien avant moi", ajouta-t-elle avec un petit rire à peine audible.
 
"Elle n'habite pas très loin d'ici, je vais y aller en marchant. Il fait un peu froid, mais... Furano m'a tellement manqué…il y a des moments où j'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir marcher à nouveau sur ces petits chemins enneigés."
A l'évocation de notre petite ville, il avait percé dans sa voix un sentiment d'affection extrême. Jamais je n'aurais pu imaginer que l'entendre parler ainsi de Furano me procurerait un tel sentiment d'apaisement.
 
Alors, malgré New York, malgré Manhattan, Broadway et Times Square, malgré ce que cette nouvelle vie pouvait avoir de féerique, tu es véritablement heureuse de revenir ici...
Je me demande bien comment j'ai pu en douter, à vrai dire…s'il est un sentiment qui se dégageait régulièrement de tes lettres, c'est bien celui-là.
Fujisawa, pardon…
 
Ses traits se fondirent en un sourire mélancolique tandis que son regard embrassait avec amour le paysage blanc désolé tout autour de nous, la plaine enneigée aux coteaux doucement vallonnés, au sein desquels se détachaient de loin en loin quelques maisons solitaires, les collines aux arbres dépouillés, dont les dernières feuilles étaient tombées il y a déjà longtemps, et au loin, les montagnes majestueuses sous le pâle ciel hivernal.
 
Je lui souris.
"Alors, on va faire une partie du chemin ensemble. J'habite au-delà de chez elle à partir d'ici. Je te raccompagne, si tu veux."
 
"Avec plaisir."
Elle me gratifia de ce même sourire un peu triste, qui me fit un peu mal au cœur.
 
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Tout en marchant côte à côte, nous nous engageâmes en silence sur l'allée enneigée qui serpentait sur le coteau entre les arbres clairsemés, vers le quartier résidentiel où se trouvait la maison de Machida.
 
En luttant furieusement pour conserver la contenance et le sang-froid qui ne m'avaient jamais fait défaut avant ce jour (mais qui visiblement avaient attendu aujourd'hui pour sournoisement me lâcher), je me posai mille questions.
 
Quelque chose n'allait pas…
Ce n'étaient pas là les retrouvailles que, dans les moments où j'étais trop épuisé pour me concentrer en classe, je me représentais parfois avec émotion.
Je me sentais complètement désorienté face à elle, et un peu mal à l'aise, aussi… comment me comporter ? Nous en étions où, exactement, elle et moi ? Quand nous nous sommes quittés, la situation a fait que, je n'avais absolument pas réfléchi, tout avait été très spontané et je ne m'étais posé aucune question.
 
Mais là... Si je lui prends la main, comme ça, là, tout d'un coup, elle va me prendre pour un pervers, c'est clair. Que faire ?
 
Bon, il faut que je lui dise quelque chose, ça va pas du tout ce silence, là.
Mais quoi ?? >_<
 
Alors, ton vol de retour s'est bien passé ?
Pff, moi alors, n'importe quoi. Comme si j'avais rien d'autre à lui dire que ce genre de platitudes débiles…
 
Au fait, parle-moi un peu de ces amis que tu t'es fait à NY ! è_é
Nah, ridicule. De quel droit je pourrais lui poser ce genre de questions ?
 
J'étais tellement perdu dans mes pensées que je ne vis même pas qu'elle avait tourné son regard vers moi.
 
"L'accueil a du être chaleureux à ton retour d'Europe…".
Il n'y avait pas le moindre signe de trouble dans sa voix. A nouveau, je me demandai comment elle pouvait demeurer si impassible tandis que moi, j'étais en proie à l'agitation la plus totale.
 
"Hmm… Oh bof, tu sais…."
Mouais. Il n'était peut-être pas vraiment nécessaire de lui parler tout de suite de la horde de petites groupies qui avait fait partie du comité d'accueil du collège à mon retour de France.
 
"Tes parents ont du être très fiers." reprit-elle, sur le même ton.
Tout en marchant elle contourna légèrement un petit renfoncement qui s'était formée dans la neige, au sol.
 
"Ah, ma sœur surtout, elle m'a exhibée devant toutes ses copines de lycée, hahahaha !!" fis-je en éclatant d'un rire nerveux.
 
( !!! mais quel abruti je fais, c'est pas possible !! >_< Hikaru, ressaisis-toi, pour l'amour du ciel !)
 
"Tu sais… j'ai regardé tous tes matches."
Sa voix était toujours calme et posée, elle semblait fixer intensément un point loin devant elle, à l'horizon.
"J'ai été très fière…"
 
"Merci", lui répondis-je simplement, en m'efforçant de sourire.
 
"… particulièrement quand tu as marqué ce but contre la France… " elle regardait toujours droit devant elle, mais en l'observant, je vis danser une lueur d'orgueil farouche dans ses yeux. Et soudain il fut clair pour moi qu'aucun des compliments que j'avais reçus à mon retour ne me toucherait autant que celui-là.
 
Elle sembla chercher ses mots un moment, puis, en me lançant un petit regard en coin, elle me dit assez bas :
 
"…ce hachimaki que tu portais…"
 
"C'était le tien, bien sûr." lui répondis-je en posant sur elle un regard déterminé.
 
"Ah…."
Elle détourna précipitamment les yeux, mais j'eus le temps de voir ses joues rosir légèrement.
 
Tiens donc, Fujisawa.
 
Les yeux toujours baissés, elle sourit timidement. "Je ne savais pas que tu l'avais emporté…"
 
Malgré les efforts qu'elle avait déployés pour s'exprimer sur un ton évasif, tout son être trahissait l'agitation, à présent.
 
Outre ce que cet émoi mal dissimulé pouvait avoir de complètement adorable chez elle, la voir troublée à son tour me libéra paradoxalement d'une énorme partie de la nervosité que j'avais accumulée jusqu'alors.
 
Je me disais bien qu'elle ne pouvait pas être aussi calme au moment même où l'on se retrouvait après ces six longs mois, après ce qui était arrivé entre nous.
 
Ca n'était tout simplement pas concevable, parce que… parce que c'était nous, tout simplement. Elle et moi. Ensemble à nouveau.
Cette attitude imperturbable aurait presque pu prêter à croire que tout ce qui avait fait battre nos deux cœurs si fort était subitement devenu insignifiant pour elle.
 
Mais tu es tout aussi troublée que moi, en fait… On a bien vécu la même histoire, toi et moi, finalement. A te voir ainsi, cela ne fait plus aucun doute.
 
Tout en arpentant précautionneusement une portion glissante du chemin, je lui souris.
 
"Il ne m'a jamais quitté. Je te l'avais promis, ce jour-là, à l'aéroport. Tu ne te souviens pas ?"
 
Elle ne répondit rien, mais il me sembla voir ses joues s'empourprer davantage.
 
"Ca peut sembler idiot, mais il y avait des moments où j'avais l'impression… qu'il me rendait plus fort, d'une certaine manière. Parfois, le soir, quand tout le monde était couché, je sortais m'entraîner et je ne passais jamais la porte sans l'avoir noué autour de mon front. Tout comme pendant ce match contre la France… tout comme quand je me suis donné à fond pour réviser ce concours, aussi… je l'ai porté dans tous ces moments décisifs parce que… ben, je ne sais pas trop… J'imagine que, à défaut de pouvoir te voir… ce hachimaki, c'était un peu de la personne que j'aime avec moi."
 
Je ne le vis pas tout de suite, mais ses pas s'étaient stoppé net. Quand je me suis retourné vers elle une poignée de secondes plus tard, je la vis à quelques pas de moi, me regardant sans mot dire, le visage grave et les yeux agrandis par la surprise.
J'étais entrain de me demander la raison de cette émotion subite, quand l'évidence de la réponse m'atteignit soudain avec la violence d'une balle reçue de plein fouet.
 
Elle avait pris la peine de me faire part de ses sentiments pour moi avant son départ, elle savait que j'étais au courant désormais. Mais pour autant qu'elle sache, jamais jusqu'à maintenant je ne lui avais jamais confirmé la réciprocité de ce sentiment.
 
Je l'avoue honnêtement, je n'y avais pas vraiment pensé. Parce qu'à mes yeux, ça avait coulé de source. Après tout, je l'avais poursuivie à travers la ville jusqu'à cet aéroport… je l'avais prise dans mes bras et serrée tout contre moi… On s'était écrit très souvent au cours de ces 6 mois...
 
Oui, mais à aucun moment tu ne le lui as dit. Ni à l'aéroport… ni dans aucune lettre…
 
Ni jamais, en fait.
 
Et pourtant, entendre ces mots devait être important, pour elle. Au moins pour en être certaine. Savoir où on en est. Ensemble ou pas ? Amoureux ou pas ? Sans doute les avait-elle attendus. Longtemps.
Avait-elle fini par douter de mes sentiments pour elle ? Et pourquoi pas. Moi, il m'avait bien suffi d'une simple carte au ton enjoué pour prendre peur…
 
Baka da na, ore wa...*
 
Promptement, je revins sur mes pas, franchis d'une traite les quelques mètres qui nous séparaient, et me campai devant elle, la dévisageant comme si je ne l'avais jamais vue, le cœur battant à tout rompre.
 
"Fujisawa…"
 
Mes yeux sondant les siens, je pus enfin lire l'émoi dans son regard, une émotion profonde et brutale, la même que celle à laquelle j'étais en proie à cet instant même. Et soudain il m'apparut qu'une bonne partie de notre trouble mutuel venait sans doute de la somme énorme de tout ce qu'on n'avait pas pu se dire, faute de temps, le jour de son départ. De tous ces silences, qui depuis lors n'avaient jamais été comblés.
 
"Fujisawa. Je viens seulement de réaliser que je n'ai jamais été suffisamment clair... Pardonne-moi… je me rends compte que rien dans ma façon de me comporter n'aurait pu suffire à te donner la moindre certitude quant à mes sentiments. Et je crois… enfin, tu sais… je crois que je n'aurai pas aimé te parler… de ça…dans une lettre. C'est vrai, les choses auraient certainement été plus claires pour toi si je l'avais fait. Mais… maintenant que tu es revenue, à présent que tu es devant moi à nouveau… je veux que tu le saches."
 
Je n'en revenais pas…. Je pouvais à nouveau lui parler comme je l'avais fait ce jour là. De manière résolue, simple, sincère et sans ambages.
Mais, même si je me sentais soulagé d'avoir recouvré mes moyens, même si j'étais heureux de pouvoir enfin être spontané avec elle à nouveau, je n'avais pas prévu l'attaque de ce flot chaud et impérieux qui se soulevait en moi, faisant battre mon cœur si fort tout à coup.
 
"Fujisawa, je suis amoureux de toi."
 
Elle ouvrit des yeux immenses, bouleversés, et, sans doute aussi abasourdie que je l'avais été quelques minutes plus tôt en la voyant devant le lycée, elle ne put prononcer un seul mot.
 
"…et ton retour à Furano me rend… extraordinairement, extraordinairement heureux."
 
Je vis son visage se troubler et j'en fus alarmé. Merde, j'en étais sûr, j'ai tout gâché.
Avais-je été trop brusque ? Trop direct ? Trop brutal? Trop-
 
"Matsuyama-kun…"
 
"Fujisawa… si j'ai été trop brusque j'en suis désolé…"
 
"Ce n'est pas ça…."
La pointe de véhémence que je perçus dans sa voix m'inquiéta un peu.
 
Mais quoi alors ? Qu'est-ce qui lui arrive ? Est-ce que c'est le froid qui la met dans cet état-là ?
 
"Matsuyama-kun…"
 
Avec une certaine panique, je vis ses yeux se voiler.
 
"Tu m'as… tellement manqué…" balbutia-t-elle, puis elle éclata vraiment en sanglots.
 
L'instant d'après, elle était blottie contre moi. Je serais incapable de dire si c'est elle qui est venue d'elle même, si c'est moi qui l'ai spontanément prise dans mes bras, si on a ébauché le geste en même temps sans même y réfléchir.
Mais je tenais Fujisawa serrée contre moi, enfin, au bout de tout ce temps. Et rien d'autre comptait.
 
"Tu m'as manqué aussi. Fujisawa."
 
Elle enfouit son visage dans mon manteau en sanglotant tout contre ma poitrine, et je resserrai doucement mon étreinte.
 
"Ne pleure pas…"
 
Instantanément, cette impression de malaise que j'avais ressentie s'était complètement dissipée. Toutes les questions stupides que j'avais pu me poser depuis cette carte s'étaient évanouies, toutes mes craintes s'étaient envolées.
J'ai baissé mon visage vers ses cheveux, subjugué par leur parfum doux et frais. Je les ai effleurés doucement de mes lèvres, en lui parlant très bas.
 
"J'ai pensé à toi tout le temps… Partout où j'ai été, j'ai envié ces couples, qui pouvaient être ensemble… qui se tenaient la main… je me demandais… pourquoi eux pouvaient être ensemble et pourquoi nous, on avait pas cette chance. Mais tu es là, à présent. Tout ça, on va pouvoir le vivre ensemble, à présent.".
 
Elle se détacha un peu, et je la vis enfin sourire, sourire vraiment, d'un sourire clair et radieux, à travers ses larmes.
 
Enfin…
Ton sourire aussi m'avait manqué, Fujisawa.
 
Elle saisit mon autre main, celle qui ne caressait pas ses cheveux, et enlaça ses doigts dans les miens.
 
Tandis que je la contemplais, mes yeux brûlants dans les siens, le cœur battant fort, mon visage juste à quelques centimètres du sien, ma main libre a effleuré ses cheveux, séché ses larmes lentement du revers d'un pouce, caressé sa joue, son cou, sa nuque…
Et, doucement, mes lèvres se sont posées sur les siennes.
 
Instantanément, une chaleur intense irradia tout mon corps, chassant de mon esprit la notion du temps, de l'espace et des circonstances. Je ne sentis plus le froid ni le vent ni la neige, plus rien n'existait, tandis que je goûtai enfin la caresse si douce de ses lèvres, alors que tout mon univers se limita soudain à son merveilleux parfum sucré, à la chaleur de sa main dans la mienne, à l'infinie douceur de ses cheveux sous mes doigts.
 
J'avais tellement désiré cette proximité avec elle que je ne pus réprimer ni la fébrilité dans mes gestes, ni l'ivresse avec laquelle mes lèvres cherchaient les siennes. Je savais qu'un premier baiser aussi brûlant risquait de l'offenser, qu'elle le trouverait peut-être inconvenant, mais c'était plus fort que moi. Une délicieuse frénésie, que ma raison était impuissante à combattre, s'était emparée de moi. Mais je pris bientôt conscience du fait qu'elle réagissait à ce baiser de manière semblable à la mienne. Agrippée à moi, serrant fort dans son poing l'encolure de ma veste, je la sentis répondre avec tout autant d'urgence, autant de fièvre… et même avec une certaine détresse.
Comme si par ce baiser, elle exorcisait enfin ces six longs mois de frustration et d'attente, et au-delà de ça, ces trois années d'amour à sens unique, ces trois ans au cours desquels je n'avais pas voulu la remarquer.
 
Elle se détacha à peine, et le monde redevint froid, la neige d'hiver tomba de nouveau entre elle et moi.
L'esprit et le corps en proie à toutes sortes de sensations insoupçonnées jusqu'alors, je la contemplai à nouveau… ses pupilles dilatées par l'émotion, le renflement de ses lèvres, ses pommettes, qui avaient pris une jolie carnation grenat, son souffle court… et je la trouvai superbe.
J'avais posé mon front contre le sien, et fus heureux de ce que mon visage ne fut qu'à quelques centimètres du sien, sans quoi je ne l'aurais probablement pas entendue murmurer, très très bas, d'une voix altérée par l'émoi :
 
"Je t'aime aussi. C'est merveilleux de pouvoir enfin te le dire face à face, Matsuyama-kun… Je t'aime depuis tellement longtemps…"
 
Je refermai mon étreinte sur elle et ne la lâchai plus.
 
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"On ferait mieux de se dépêcher… Machida va s'inquiéter. Et alors Dieu sait ce qu'elle sera capable de nous faire."
 
Elle acquiesça en souriant.
 
Tandis qu'elle cheminait près de moi sur ce chemin enneigé, son regard modestement baissé vers le sol et sa petite main tiède toujours dans la mienne, je l'ai regardée furtivement, émerveillé au delà des mots par la grâce qui se dégageait du moindre de ses moindres mouvements, par ses cheveux soyeux, sa silhouette fine, son cou gracile, ses cils si longs qu'ils projetaient une ombre sur ses joues.
 
Mais, au delà de tout ça, j'étais surtout transporté par sa présence même à mes côtés. Par Elle, l'objet même de sentiments si longtemps ignorés, découverts trop tard, mais pleinement mûris, et enfin matérialisés.
 
Je ne te laisserai plus jamais t'en aller, Fujisawa. Plus jamais.
 
Et tout en serrant sa main dans la mienne, alors que je me représentais l'avenir qui se profilait devant nous, radieux et porteur d'innombrables promesses, un sourire naquit sur mes lèvres.
 
 
 
 
 
(à suivre)
 
 
Notes de l'auteur :
 
 
1) Ce serait sympa qu'on soit reçus ensemble au lycée de Furano, tu ne trouves pas ?
(Fujisawa Yoshiko, dialogue original tiré du manga)
 
2) moi alors…je suis vraiment trop bête.